45 musées participeront aux Luxembourg Museum Days, les 15 et 16 mai prochains. Des très grands et très connus comme le Mudam, le Natur musée ou le Musée national d’histoire et d’art, mais aussi des très petits – comme le Pompjeesmusée an der Géitz (à Wiltz), le musée de l’aviation à Mondorf ou le musée des douanes en ville – et des moyens comme le musée européen de Schengen, le Luxembourg science center à Differdange ou le musée des tramways à Luxembourg. Un éventail très large de thématiques couvertes, de tailles, de statut juridique (même si l’essentiel sont des asbl), de qualification et de quantité de personnel (beaucoup de ces musées ne sont gérés que par des bénévoles)… À travers ce week-end de portes ouvertes (24e édition du genre, tout de même), ils briguent tous leur part de reconnaissance auprès d’un public déjà gâté par l’offre muséale considérable, avec force de visites guidées, animations, ateliers pour enfants, parcours découvertes, projections et même concerts.
Comme chaque année, les Luxembourg Museum Days sont organisés dans le cadre de la Journée internationale des musées, un moment unique de visibilité et de réflexion pour la communauté internationale des musées que l’Icom (International Council of Museums) récidive tous les ans depuis 1977. Cette année, la thématique – L’avenir des musées : se rétablir et se réinventer – cadre bien évidemment dans l’actualité où de nombreux musée, partout dans le monde ont dû fermer leurs portes pendant plusieurs mois (un peu moins au Luxembourg). La volonté est de pousser les musées à développer et partager de nouvelles pratiques, de nouveaux modèles pour répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux.
Et « se réinventer » est bien le mot d’ordre lancé par le ministère de la Culture à travers le programme Nei Start qui a dédié environ 1,5 million d’euros à des aides de relance spécifiques pour les musées régionaux et les sites culturels à vocation touristique. « Le but est d’apporter un soutien direct à l’emploi culturel (muséographes, agences de communication, artistes, industrie créative...) ainsi qu’un soutien indirect aux institutions culturelles », plaide ainsi le ministère dans son rapport annuel 2020. Cela fait partie de l’ambition plus vaste d’instaurer un nouveau mode de gouvernance des institutions muséales avec en ligne de mire la création d’un agrément pour ces institutions voire d’une labellisation à plusieurs niveaux – national, régional et local. « Il s’agit aujourd’hui de consolider et de développer l’accompagnement des musées par le biais d’une structure professionnelle de référence, notamment en proposant au secteur davantage de possibilités de professionnalisation et de formation », répondait ainsi Sam Tanson à une question parlementaire de Cécile Hemmen (LSAP) sur l’organisation du réseau de musées.
L’antenne luxembourgeoise de l’Icom a été changée de développer « le paysage national en suivant et en promouvant les valeurs et standards en matière de gestion muséale mis en place par l’Icom international » et bénéficie depuis mars 2020 d’une convention avec le ministère de la Culture qui lui a permis d’embaucher une personne. « Nous organisons des formations continues par exemple sur la conservation et la gestion des collections ou sur la présence médiatique, avec parfois des thématiques précises à la demande de certains membres (28 musées et 130 professionnels sont membre de l’Icom Luxembourg, ndlr) », rappelle Michel Polfer, directeur du Mnha et président de l’Icom Luxembourg.
Interactivité
Dans le cadre de l’appel à projet Nei Start, douze dossiers ont été présentés par des musées régionaux parmi lesquels neuf se voient accorder une aide globale de 720 630 euros. Les quatre projets présentés par des sites culturels à vocation touristique ont été retenus et se partagent 559 805 euros. Les propositions devaient correspondre soit à l’élaboration de concepts muséologiques, de fonctionnement, d’exploitation ou d’études de faisabilité soit à la mise en place ou à la refonte professionnelle de la muséographie existante.
C’est cette deuxième case que coche parfaitement le projet du musée Tudor de Rosport. Créé en 2009 dans la maison familiale d’Henri Tudor (appartenant à la commune), le musée rend hommage à l’ingénieur, à travers divers objets et documents historiques mais est, plus largement, un espace interactif autour de l’électricité, des accumulateurs et des batteries. « Nous sommes un mélange entre un science centre et un musée historique, avec une démarche de vulgarisation des sujets scientifiques, historiques et techniques », explique Joao Martins, son directeur. Employé par la commune de Rosport, ce docteur en chimie touche à tout dans le musée (où deux autres personnes travaillent à temps partiel, employés par l’asbl Les Amis du musée Henri Tudor, en convention avec le ministère de la Culture à hauteur de 53 682 euros par an). Quand il n’est pas en train d’accueillir un groupe scolaire, il répare un projecteur, commande du bois au service communal pour les ateliers, crée des pièces manquantes sur une imprimante 3D ou invente des expériences à réaliser par les visiteurs.
« Notre pari est d’utiliser des approches ludiques et pédagogiques nouvelles pour rester dans l’esprit d’innovation de Tudor et apporter une expérience active aux visiteurs ». C’est ainsi qu’au fil du temps, le musée s’est doté de nouveaux éléments interactifs autour de thématiques liées à l’électricité, dans une refonte régulière de l’exposition permanente. Le nouveau projet du Musée Tudor est de thématiser la mobilité électrique, sujet ô combien à la mode, mais dont l’histoire remonte précisément aux possibilités développées grâce à l’accumulateur au plomb mis au point par l’ingénieur luxembourgeois en 1881. L’installation de ces nouvelles bornes entraînera des modifications dans la scénographie du musée où il est aussi planifié de mieux valoriser les objets de la collection.
Pérennisation
Sur une thématique très différente, le musée national d’histoire militaire à Diekrich, a été conforté dans sa démarche de changement muséographique, avec une aide de Nei Start. Connu pour ses reconstitutions de scènes de la Deuxième guerre mondiale, le musée accueille quelque 30 000 visiteurs par an, « surtout des touristes belges et néerlandais, en plus des nombreuses classes scolaires », résume Benoît Niederkorn, conservateur du musée. Cet historien est détaché de l’armée luxembourgeoise (il est civil, sans grade) travaille à la direction du musée dont le bâtiment appartient à la commune de Diekirch (qui assure l’accueil et l’entretien). Ici aussi, une convention avec le ministère de la Culture garantit 53 682 euros par an. « Depuis 2018, nous bénéficions d’une annexe où nous pouvons réaliser des expositions temporaires sur des thématiques parallèles à celles du musée. Cela permet de travailler avec la collaboration scientifique de jeunes chercheurs. »
« Notre musée est bâti sur des témoignages et de l’émotion », souligne Frank Rockenbrod, président de l’association du Musée national d’histoire militaire. Si les collections sont riches d’objets, de véhicules, mais surtout d’archives iconographiques, sonores et écrites, la mise en valeur de celles-ci mérite d’être repensée pour mieux correspondre non seulement aux attentes, mais aux connaissances d’un public plus jeune. Un travail de réflexion est mené avec des experts (Uni, Zentrum fir politesch Bildung et l’historien Jean Reitz qui, après l’Agence luxembourgeoise d’action culturelle, est devenu consultant indépendant) sur le devenir de la présentation. « Nos installations ne permettent pas toujours de bien comprendre le contexte ce que qui est montré », estime-t-il. « Aussi, nous voulons mettre en place des circuits thématiques, chronologiques et compréhensibles qui donnent plus d’informations sur les objets présentés ». Il s’agit aussi de mettre en relation les faits historiques avec des questions actuelles : les réfugiés, la reconstruction, l’Europe et de tenir compte de la place et du rôle des populations immigrées au Luxembourg. Il en va de la pérennisation du lieu qui fonctionne notamment grâce à des bénévoles « vieillissants ». « Face à la disparition inévitable de ces porteurs de mémoire de première main, il faut passer à d’autres moyens d’informer le public, pour être des passeurs et accompagner les discussions pédagogiques. C’est une réflexion stratégique que nous menons depuis dix ans, en accord avec les fondateurs ».
Plan directeur
Valoriser et viabiliser le travail des bénévoles est aussi une des préoccupations du Minett-Park Fond-de-Gras. « Un noyau d’environ 35 bénévoles est actif pour entretenir et surveiller le site, les voies, les machines, les pièces détachées. Ils déploient non seulement du temps, mais un savoir-faire spécifique qu’il faudra transmettre et pérenniser », constate Frédéric Humbel, son directeur depuis 2008. Deux autres personnes à temps partiel travaillent avec lui. Le Parc industiel reçoit le soutien des communes de Pétange et de Differdange et est lié par une convention avec le ministère de la Culture à hauteur de 64 418 euros. « Parce que nous offrons un ensemble large et disparate (deux asbl distinctes se chargent l’une du Train 1900, l’autre du train minier, ndlr) d’activités, nous avons un besoin urgent d’un plan directeur », résume Humbel. Avec un personnel et un budget réduit, un programme culturel toujours plus nourri, le Minett-Park arrive « à un tournant de [son] développement : on ne peut pas faire plus, mais il faut continuer à se renouveler pour élargir notre public et ne pas lasser. »
Avec le financement Nei Start, la structure a mandaté une entreprise spécialisée pour réfléchir à quelle médiation mettre en place pour valoriser la richesse du site et intégrer la nature historique et culturelle des infrastructures. Après un appel d’offre ciblé, c’est l’agence française Maîtres du rêve qui a été choisie. Après une première rencontre avec les parties prenantes (ensemble et séparément), l’agence « d’ingénierie touristique et culturelle » va éprouver les lieux en testant les activités et va proposer trois axes de développement, dont un sera finalement choisi par le Minett-Park. Le directeur a posé un cadre : « Je veux éviter du virtuel à outrance : nous avons du réel, du tangible, montrons-le ». « On attend un plan qui permet d’améliorer la compréhension et l’expérience du site et qui fasse des propositions quant au programme culturel et à l’exploitation commerciale qui pourraient être développés. » Un fois le plan décidé, il s’agira de le mettre en œuvre, en différentes étapes, en fonction des investissements nécessaires. « Pas question de réaliser des investissements colossaux d’un coup et de ne pas avoir les moyens de faire fonctionner le parc par la suite. »
Les différents musées ont à présent deux ans pour que leurs projets deviennent réalité. Certains musées « moyens » deviendront sans doute des « grands » dans les années futures. Les pouvoirs publics (nationaux et communaux) devront aussi adapter leur soutien à ces lieux pour que les efforts liés à la relance ne soient pas ponctuels, mais puissent être viabilisés à long terme.