Pour sa douzième édition, le festival CinEast a remporté un franc succès auprès des cinéphiles de la Grande Région. De la Cinémathèque au Mudam, où l’on a pu voir le remarquable documentaire d’Andrey Paounov consacré au projet de Jetées flottantes de Christo (Walking on water, 2018), les spectateurs étaient nombreux à assister aux séances réparties dans les différents lieux de Luxembourg. Les derniers jours de la manifestation auront vu se tenir les soirées tchèque et ukrainienne, le dernier marathon de courts-métrages documentaires, ainsi que l’hommage à la comédienne polonaise Krystyna Janda, connue pour ses rôles dans les films d’Andrzej Wajda (L’Homme de fer, 1981), Krzysztof Kieslowski. (Tu ne tueras point, 1988), ou encore Krzysztof Zanussi (La vie est une maladie mortelle qui se transmet par voie sexuelle , 2000). D’autres films émouvants auront également illuminé le festival, comme celui que Robert Sedláček a consacré à Jan Palach, étudiant devenu après son suicide un symbole de la résistance tchèque à l’occupation soviétique (Jan Palach, 2019).
Cette troisième semaine de festivités fut l’occasion de découvrir les derniers films en lice pour la compétition officielle : le thriller Stitches, de Miroslav Terzic, le road-movie Open door de Florenc Papas, ainsi que le premier long-métrage de Mina Mileva et Vesela Kazakova. Cat in the wall. Fortement ancrées dans la réalité sociale, ces trois fictions interrogent des problématiques contemporaines. Ce sont les migrations et le Brexit dans Cat in the wall, la quête de vérité et de justice d’une mère dans Stitches, ou encore la présence pesante du patriarcat dans Open door. A chaque fois portées par des femmes intègres, ces trois fables enregistrent les changements survenus dans le monde depuis le mouvement Me Too. Un engagement féministe que l’on retrouve aussi bien dans les films programmés hors-compétition, tels que Nina et God exists, her name is Petrunya par exemple.
Cet ensemble se distingue ainsi nettement des autres productions concourant au Grand Prix du festival, le plus souvent interprétés par des hommes et dans lesquelles la religion, autrefois malmenée sous le régime soviétique, occupe une place importante. Ce sont ces films que les membres des jurys auront cette année choisi de récompenser. Samedi dernier, lors de la cérémonie d’attribution des prix, le Jury international a décerné le Grand Prix du festival à Oleg, de Juris Kursietis, qui en appelle à l’orthodoxie dans un monde dominé par l’exploitation et le profit. Le président du Jury international, Jacques Doillon, a justifié cette décision en soulignant « (...) sa façon originale et dynamique de traiter un sujet important, à savoir l’esclavage moderne, mettant en scène une situation hors normes et un personnage masculin fort plongé dans un univers étonnant. » Le film polonais de Jan Komasa, Corpus Christi, s’est vu doublement auréolé, obtenant le Prix spécial du jury et le Prix de la critique. L’actrice luxembourgeoise Sophie Mousel a expliqué ce choix : « Pour la force de son histoire et de son personnage principal, incarné par un jeune acteur talentueux, qui nous montre avec puissance tous les conflits liés à la société et à la foi. » Enfin, l’excellente leçon de vie que l’on doit à Ljubomir Stefanov et Tamara Kotevska, Honeyland a reçu le Prix du public