Quelques semaines avant le lancement officiel de l’Office national de l’enfance (ONE), les professionnels du secteur social et des centres de placement se sont rencontrés cette semaine pour discuter de leurs modèles de fonctionnement et les moyens d’assurer une meilleure qualité dans leurs établissements1. La participation concrète à la prise de décision et au déroulement journalier par les parties concernées – éducateurs, jeunes et enfants, parents – était au centre des débats. Car la loi sur l’aide à l’enfance et à la famille est sans appel : des séances de concertation familiale doivent être organisées pour les faire participer à l’élaboration de « projets d’intervention socio-éducative et psychosociale ». Elle oblige aussi le « gestionnaire des mesures d’aide (…) de promouvoir la participation des enfants et des parents bénéficiaires de ces mesures d’aide ». Le grand défi est de mettre ce principe en musique, car il signifie un important changement de mentalités et de traditions, l’abandon de réflexes paternalistes qui ont marqué la prise en charge dans beaucoup de centres d’accueil pour jeunes et enfants.
Une étude a été réalisée auprès de la jeune population placée dans treize foyers au Luxembourg et les directions de ces établissements. Les résultats ont été comparés à ceux d’une même étude allemande, réalisée auprès de 31 centres d’accueil en Rhénanie-Palatinat. Le questionnaire tournait autour de trois centres d’intérêt : l’information dont disposent les jeunes et enfants placés, les possibi-lités de donner leur avis et la faculté de participer aux prises de décision. Dès le début du placement en institution, des écarts deviennent visibles entre les établissements luxembourgeois et allemands : 61 pour cent des jeunes allemands étaient au courant depuis quelque temps qu’ils allaient être placés contre 48 pour cent au Luxembourg. 42 pour cent des Allemands pouvaient dire où ils voulaient vivre et 36 pour cent pouvaient même participer à cette prise de décision contre seulement 19 pour cent, respectivement vingt pour cent au Luxembourg. La question concernant le secret des correspondances en dit long : 19 pour cent des jeunes luxembourgeois affirment que leurs lettres sont régulièrement ouvertes sans leur accord contre cinq pour cent de l’autre côté de la frontière. Cette question peut sembler anodine, mais elle montre bien qu’il reste difficile de changer l’esprit de surveillance de certains professionnels qui pensent toujours être investis d’une mission éducative assortie d’un pouvoir de contrôle et d’autorité. Or, cette mentalité de hiérarchisation des relations sociales risque de ne laisser que peu de place au développement de rapports francs. 57 pour cent des jeunes luxembourgeois ne font pas trop confiance à leurs éducateurs, contre 43 pour cent des jeunes en Rhénanie-Palatinat. D’ailleurs, les relations entre camarades ne sont pas meilleures pour autant : seuls 31 pour cent se sentent à l’aise avec leurs cohabitants.
Concernant l’élaboration des projets d’intervention, destinés à les aider à reprendre pied dans la société ou au sein de leur famille, 36 pour cent des Luxembourgeois disent ne pas savoir ce que c’est, contre deux pour cent de jeunes allemands.
À la lumière de ces résultats, il devient clair que les institutions de placement sont en mutation et que l’évolution vers plus de participation signifierait une petite révolution à l’intérieur de chaque institution. Or, une des questions à analyser aussi concerne les rapports hiérarchiques entre la direction et le personnel. À côté de l’élaboration de nouvelles règles et de principes, il semble important de lâcher la bride à tous les niveaux de subordination. La remise en question des rapports de force et des démonstrations d’autorité pourra mener à plus de respect et d’humanisme. Et donner la parole aux jeunes, ne serait-ce que pour les petites choses du quotidien.