2020@bascharage.lu est l’adresse électronique à laquelle les citoyens des deux communes de Bascharage et de Clemency peuvent envoyer leurs questions et leurs suggestions en amont du référendum du 5 décembre. « Moi, j’ai l’avenir de ma commune devant les yeux, c’est ce qui guide toute mon action, » affirme Michel Wolter (CSV), député-maire depuis le début de l’année seulement, qui s’est révélé en quelques mois être un maire aussi passionné que controversé. « Ce job est pour moi la preuve que ça marche, que toutes les grandes idées sur le développement communal que nous avons élaborées à l’époque au ministère de l’Intérieur, dont le concept de l’IVL, peuvent tout à fait se réaliser. »
Patriotisme local Michel Wolter est un maire atypique : député à 21 ans, ministre de l’Intérieur à 33, il n’a réellement investi la politique communale que sur le tard, à 48 ans. Sachant qu’il n’avait que 22 mois avant les prochaines communales d’octobre 2011, il a développé un activisme féroce avec des méthodes que ses opposants politiques qualifient de goujaterie – comme le maire socialiste de Sanem, Georges Engel, furieux que Bascharage achète un terrain de plusieurs dizaines d’hectares dans la commune voisine alors qu’il aurait aimé l’acquérir. « Mais moi, dit Michel Wolter, je suis fier d’avoir réussi à acheter ces parcelles, parce que je l’ai fait pour le bien de ma commune. » Ce terrain, Bascharage va l’échanger contre des terrains appartenant à un agriculteur en activité, au centre du village, ce qui va permettre d’y regrouper, à terme, plusieurs infrastructures publiques.
Depuis qu’il a accédé au mandat de bourgmestre, Michel Wolter a fait un relevé parcellaire exact de tous les terrains sur le territoire – et acquis cinq hectares sur compromis pour instaurer un réseau de pistes cyclables et d’autres développements stratégiques pour la localité. Originaire d’Esch-sur-Alzette, une première fois élu au conseil communal après son déménagement à Hautcharage en 1994, Michel Wolter le patriote – l’idée d’instaurer le Roude Léiw comme deuxième drapeau national vient de lui – se découvre aussi patriote local. Qu’il ait réussi à convaincre le gouvernement d’installer une première infrastructure nationale, l’antenne sud du Lycée technique pour professions de santé, dans la commune fait partie de cette fierté locale. Qui, à Luxembourg, Echternach ou Wiltz, parlait de Bascharage avant ?
Histoires de femmes L’idée lui est venue au volant de sa voiture, dans la montée de Dippach, au printemps, lorsqu’il entendait Robert Goebbels (LSAP) raconter à la radio que la Gëlle Fra de Claus Cito allait être exposée au pavillon luxembourgeois de Shanghai durant l’été. Si ce monument national créé en mémoire des victimes de la première guerre mondiale par un « enfant du village » (Cito était né à Bascharage en 1882), pourquoi ne pas profiter du fait qu’elle soit déboulonnée pour l’exposer ici à son retour, mise en contexte avec une exposition sur l’artiste et l’histoire de l’œuvre ? Aussitôt après avoir eu l’idée, Michel Wolter contacte Jean Reitz, directeur de l’Alac (Agence luxembourgeoise d’action culturelle) et spécialiste de Cito, qui lui avait déjà consacré une exposition à Bascharage il y a dix ans.
Jean Reitz est prêt à faire l’exposition, mais demande qu’elle puisse jeter un regard critique sur l’histoire du monument – et chiffre le budget pour pouvoir la réaliser de manière professionnelle à 250 000 euros. La commune veut débourser 100 000 euros (l’exposition de 2000 avait coûté quatre millions de francs) et demande à l’État d’en faire autant, la ministre de la Culture Octavie Modert s’incline devant le président de son parti. Les 50 000 euros restants devront être trouvés par le biais du sponsoring d’entreprises privées – la brasserie Bofferding et le transporteur Sales-Lentz étant les plus grosses entreprises sur le territoire –, des estimations largement dépassées à un mois du vernissage.
Faisant fi de l’indignation de ceux qui estiment l’entreprise excessivement chère en temps de crise – y compris au conseil communal, où l’opposition socialiste proposa de réduire différents postes de budget, notamment ceux concernant les publications ou les relations publiques –, Michel Wolter s’enthousiasme pour le projet, le défend cœur et âme. Comme un futur marié attendant sa promise, il était sur le tarmac lorsque la sculpture arriva à l’aéroport vendredi dernier ; comme un groupie, il en photographiait le déchargement devant le Hall 75 ce lundi. Et raconte l’engouement des entreprises locales, voulant se dépasser dans l’originalité des idées de promotion de l’événement, offrant des packages touristiques pour une journée à Bascharage. « Si, à la fin de l’exposition, en janvier, plus de gens au Luxembourg font l’association Gëlle Fra égal Cito égal Bascharage, nous aurons atteint notre but, » lance Michel Wolter.
Grandir Cette semaine, tous les ménages des deux communes de Clemency et de Bascharage ont reçu la deuxième brochure d’information sur le projet de fusion. « Nous avons avancé pas à pas, en toute démocratie et transparence dans ce projet, » insiste Michel Wolter, conscient des craintes qui existent surtout à Clemency, 2 200 habitants, que Bascharage, 7 500 habitants, n’en fasse qu’une bouchée, que la grande commune dévore la petite. « Cette fusion, nous ne voulions l’entamer que si c’était un projet commun, affirme Michel Wolter, si nous avions l’adhésion de tous les partis. » Il est persuadé que le « non » majoritaire à Koerich pour une fusion avec Simmern, le 24 octobre, s’explique aussi par le fait qu’on y ait présenté le projet comme un enjeu de la majorité contre l’opposition. « Bascharage n’a aucun désavantage de cette fusion, estime aussi Yves Cruchten, conseiller communal socialiste, et Clemency n’a que des avantages. » Le 18 mai de cette année, les deux conseils communaux ont délibéré en parallèle sur l’opportunité de la fusion ; celui de Bascharage l’a approuvé à l’unanimité, celui de Clemency l’a adopté avec sept voix pour et une contre.
Après une vingtaine de réunions communes entre les deux conseils communaux, des workshops entre acteurs impliqués (commissions consultatives, personnels...) et un atelier d’avenir impliquant tous les citoyens intéressés, le oui est donné gagnant dans les derniers sondages d’octobre (71 pour cent des interrogés favorables à Clemency et 70 pour cent à Bascharage). Une dernière réunion d’information en présence du ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf (CSV), le 29 novembre à Clemency, est censée évacuer les derniers doutes. Pour le ministre aussi, cette fusion revêt une importance particulière, car elle doit à nouveau inverser la tendance après l’échec de Koerich et convaincre les autres candidats à une fusion de la réaliser encore avant la fin de cette législature. Car les fusions sont pour lui un enjeu politique majeur, une mise en musique de son projet de réorganisation territoriale, élaboré durant la précédente législature (avec, alors, Michel Wolter en tant que président de la commission parlementaire spéciale sur le sujet).
Une course Une des critiques majeures des sceptiques à Bascharage et Clemency est que la procédure se fasse au pas de course. Or le temps presse : pour que la nouvelle commune puisse devenir réalité au 1er janvier 2012, il faut que le nouveau conseil communal puisse être élu en octobre 2011 – il le sera alors sur un mode transitoire de douze sièges à Bascharage et cinq à Clemency, soit 17 sièges, avant de retomber à quinze en 2017. Et pour que les élections puissent se faire selon le nouveau schéma, il faut que la décision de fusionner soit entérinée par une loi, qui devra passer les instances avant l’été 2011 pour pouvoir entrer en vigueur à temps.
En théorie, une fusion serait également possible plus tard, mais rien ne garantit le maintien des subventions étatiques aux fusions au-delà de l’échéance d’octobre 2010. Le 19 mars de cette année, le gouvernement a en effet décidé de maintenir l’incitation financière (décidée en 2002) de 2 500 euros par tête d’habitant pour les communes prêtes à fusionner jusqu’aux prochaines communales seulement. Pour la future grande commune de Bascharage, cela équivaudra à 25 millions d’euros – un argument auquel pourrait surtout être sensible la commune de Clemency, qui, défendant son calme rural, s’est toujours décidée contre les projets économiques et industriels sur son territoire, mais dispose par conséquent de peu de sources de revenus. Parmi les onze projets de construction que les deux conseils communaux ont prévu de financer avec cette somme, Clemency verra ainsi se réaliser son rêve de construire une maison-relais au village, pourra refaire les locaux de son club de football ou réaménager plusieurs rues centrales... travaux pour lesquels les budgets ordinaires ne suffisent pas. Bascharage par contre prévoit la construction d’un château d’eau et d’un atelier communal, d’une école de premier cycle avec une maison-relais ou la transformation du boulevard Kennedy à court terme. L’aide étatique serait payée par tranches sur dix ans, ce qui repousse d’autres projets, comme l’installation de centres culturels dans les deux parties du village, à moyen terme.
Bien que la fusion de Bascharage soit différente de la majorité des autres – la grande ligne directrice du ministère de l’Intérieur est d’encourager les petites communes rurales à fusionner afin d’atteindre le seuil de 3 000 habitants, défini comme celui qui permettra à l’administration de fonctionner correctement et à pouvoir offrir les mêmes services à tous les citoyens à travers le pays –, Michel Wolter est persuadé qu’elle fait sens pour les deux entités. « J’ai toujours dit que la barre des 10 000 habitants constituait un deuxième palier, au-delà duquel on peut commencer à professionnaliser ses services parce qu’on dispose de la masse critique nécessaire. » Les personnels des deux communes actuelles seront regroupés et les services administratifs réorganisés après la fusion. En plus, avec 10 000 habitants, le maire a en théorie droit à un congé politique à plein temps (bien que l’actuel député-maire ne pourra en profiter, cumulant déjà deux mandats), et la commune verra son influence grandir dans la région, face à ses éternelles concurrentes que sont. Differdange, Sanem ou Petange.
Politique politicienne Fusion ou pas, Bascharage sera une des communes les plus intéressantes à observer lors des élections communales d’octobre 2011 : en 2005, le CSV l’y emportait, avec 36,21 pour cent des suffrages, talonné par le LSAP, avec 32,02 pour cent, rapportant cinq sièges à chacun des deux. Le CSV s’est alors allié au DP (un siège) et aux Verts (un siège) pour former une majorité. Troisième élu sur la liste du CSV, Michel Wolter est alors simple conseiller. Il est aujourd’hui le troisième maire, après Jean Christophe (jusqu’en 2007) et Jeannot Halsdorf (2004-2009) de la mandature. Tout pourrait s’y jouer sur quelques voix l’année prochaine – même si Bascharage est un village atypique du Sud, où l’électorat hésite entre gauche et droite, où les gens ont voté oui au référendum en 2005 (53 pour cent ; alors que les autres communes du Sud-Ouest ont voté non), le taux de non-Luxembourgeois est bas (un quart de la population) et les loyers élevés. En plus, deux des principaux mandataires des partis de coalition au niveau national, le président du CSV (Michel Wolter) et le secrétaire général du LSAP (Yves Cruchten), s’y affrontent sur le plan local.
D’ailleurs, encore une particularité de Bascharage, ce fut une résolution soutenue par Yves Cruchten et Michel Wolter fin 2008 qui a accéléré les projets politiques d’une fusion avec Clemency.