« C’est simple : vous m’invitez à une fête où il y a des adultes et des enfants – après dix minutes, vous me trouverez dans un coin en train de m’amuser avec les enfants, ça ne rate jamais ! » rigole Dan Tanson. Pourquoi ? Les intrigues, les ragots, le smalltalk, c’est pas son truc, dit-il. « Ce n’est que depuis l’année dernière que je me sens à peu près adulte moi-même, » affirme l’homme au regard bleu pétillant, qui affiche à quarante ans, il est vrai, les premiers poils gris dans sa barbe soignée. Pour beaucoup de gens, Dan Tanson est le marionnettiste tout court, désignation avec laquelle il n’est pas d’accord, estimant que son métier est beaucoup plus que cela.
Le week-end dernier à Osnabrück en Allemagne, une des mises en scène de Dan Tanson a remporté un des premiers prix Yeah ! (Young European Awards) dans la catégorie Performance : Rocky Roccoco – Oder als Johann Sebastian Bach Michael Jackson traf, interprété par le quintette à cuivres autrichien Sonus Brass, a été coproduit l’année dernière par la Philharmonie et tourne depuis dans toute l’Europe, la mise en scène a été assurée conjointement par Dan Tanson et Ela Bauman, qui collaborent très régulièrement. Parmi les dix nominations à ce prix, sélectionnées dans une pléthore de plus de 160 spectacles soumis, trois portaient la signature de Dan Tanson. Un tel classement international dans n’importe quel sport ferait exploser de chauvinisme les cahiers sportifs des quotidiens autochtones ; en culture, ça passe inaperçu.
Peut-être aussi parce que Dan Tanson ne paye pas de mine, il est resté le mec sympa d’à côté qui galère un peu pour joindre les deux bouts, vivant en sous-location entre Luxembourg et Bruxelles – un bon équilibre de deux modes de vie différents, comme il trouve – et dans sa voiture utilitaire qui lui sert aussi de siège mobile de sa troupe Traffik Theater, sur les routes d’Europe pour monter un spectacle en Wallonie, à Hollerich ou aux Pays-Bas et assurer une reprise en Allemagne ou en Autriche. En quinze ans de métier, lui et sa troupe ont un beau catalogue de productions à offrir aux programmateurs, de Pierre et le loup – sa première production à la Philharmonie, avec l’OPL, en 2006 – en passant par le Petit chaperon rouge jusqu’à Wanja, Le carnaval des animaux ou Le roi et la mer.
Ce qui frappe le plus dans les spectacles de Dan Tanson, c’est qu’ils ne se ressemblent jamais : il peut s’agir d’un spectacle de marionnettes ou avoir recours à des animaux en origami, un théâtre d’ombres ou d’objets, des projections sur les costumes ou des éléments de dessin animé... « Je suis toujours à la recherche de la bonne idée formelle, raconte-t-il. Une fois que j’ai l’idée qui colle à la pièce, j’y vais » – et ça peut alors être très radical et minimaliste, avec des décors et des marionnettes ou objets qu’il peut même produire lui-même. « Mais sans cette idée, j’ai aussi déjà décliné des propositions de mise en scène. » En deuxième lieu, il a une classe d’âge préférée à laquelle il aime s’adresser : les cinq à neuf ans, pour les thèmes qui les intéressent : « l’aventure, l’identité, la justice, l’ambition d’atteindre un but... tout ça, ce sont des motifs sur lesquels on peut construire de belles histoires ! » Et, troisième facteur : la musique. « Music was my first love ! » lance celui qui a joué les percussions dans la fanfare de sa commune natale quand il était jeune, puis a même été guitariste dans la mythique première formation de Serge Tonnar, Blue Screw, durant les années lycées.
Ainsi, un spectacle « typique » de Dan Tanson peut tout à fait combiner un conte classique avec des décors avant-gardistes et de la musique contemporaine comme Ligeti ou, parfois, Elisabeth Naske, la compositrice avec laquelle il a déjà monté plusieurs spectacles, comme Mausemärchen und Riesengeschichte. Mais Dan Tanson est aussi ce Bim Plackenteller en tenue disco désuète qui, durant le dernier Picelectronic au Carré Rotondes, a invité les enfants et leurs parents à juste écouter un vieux disque vinyle d’un conte. Les gens semblaient un peu déçus lorsqu’il leur dit que c’était terminé, mais il assume : « C’était un choix de rester dans la simplicité. Je trouvais essentiel que dans ce chaos, les enfants trouvent un peu de calme et se concentrent sur l’écoute ». C’est aussi l’idée derrière son nouveau concept Musik erzielt : une lecture toute simple, avec juste un accompagnement musical modeste. Au déluge de stimulations sensorielles auxquelles sont exposés les enfants au quotidien, Dan Tanson propose des oasis de calme où leur imagination puisse voyager.