Elle crée ce que nombreux d’entre nous ne remarquent même pas, au point qu’ils ignorent même qu’il y a un tel métier. Anouk Schiltz est scénographe. Elle crée des scènes, des mondes à part, des microcosmes. « Les gens mélangent souvent les acteurs avec la scène, ils ne voient qu’un tout, dit-elle et esquisse un sourire. Ils ne font pas la différence entre les divers métiers autour de la scène, autour du théâtre ». Cela ne semble pas la gêner plus que ça. Anouk Schiltz s’estime heureuse de pouvoir « faire ce que j’aime faire ». Si elle juge ne pas avoir reçu plus que d’autres une éducation à la culture de théâtre, c’est l’intérêt du cirque qui l’a embarquée sur cette voie plutôt excentrique : « C’est vrai que les gens me regardent avec une certaine stupéfaction quand je dis ce que je fais, mais la plupart du temps, ils montrent de l’intérêt » résume-t-elle. Finalement, elle a opté pour la scénographie « parce que cela permet de varier, il y a plus d’options possibles ».
Après ses études à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris (Ensad), Anouk Schiltz n’avait pas prévu de rentrer au Luxembourg. C’est l’offre du directeur du Théâtre d’Esch, Charles Muller, de venir assister, qui a finalement déterminé son choix : « Ce n’est pas facile de s’établir en tant qu’indépendant, surtout à Paris où il y a beaucoup de concurrence, donc il faut saisir les occasions ». Depuis, elle a trouvé sa place au Luxembourg. À 32 ans, Anouk Schiltz estime que ce qu’elle aime tant dans son métier, c’est la « diversité qu’il permet ». Si elle travaille essentiellement dans le théâtre, elle aime bien aller voir ce qui se fait à gauche et à droite. Histoire de s’inspirer aussi. De ne pas perdre le sens de la créativité. Ainsi, dernièrement, la jeune scénographe a ouvert son champ d’intervention à un autre domaine, celui des expositions, elle fut notamment chargée de la scénographie de l’exposition autour de la Gëlle Fra dans le Hall 75 à Bascharage, au retour de la sculpture de Chine. « C’était un défi de mettre en valeur cette salle, de la rendre intéressante de chaque point de vue, car ici, contrairement au théâtre, le visiteur pouvait se promener dans l’espace, » se souvient-elle.
Les scènes qu’elle crée ne sont jamais statiques, figées, identiques. À l’écouter, on a l’impression d’entrer dans des univers différents : ceux qu’elle crée. Drôlement, ces univers semblent avoir leurs vies à eux. Et Anouk Schiltz le souligne : « Une scène ne doit pas être là que pour décorer, il doit y avoir interaction » . Pour la jeune artiste, il faut que les acteurs et la scène fassent un tout. Un monde donc qui vit : « Les univers que je crée ne sont jamais les mêmes, ça dépend de mon inspiration, » avance-t-elle. Elle n’utilise pas non plus toujours les mêmes matériaux : « J’aime varier, j’aime essayer de nouvelles choses ». L’inspiration lui vient des voyages, des rencontres. Et de ces endroits à microcosmes, les brocantes : « C’est à Paris que j’ai appris à aimer les brocantes, surtout celles de Clignancourt. Là-bas, la mise en scène des stands est impressionnante ».
Anouk Schiltz n’a pas une recette qu’elle utilise à répétition. Au contraire, elle veut être ouverte : « Mon travail est une partie d’un tout. Il faut que le résultat donne une image harmonieuse ». Elle s’adapte donc aux circonstances tout en laissant l’œuvre évoluer dans le contexte du travail avec le régisseur et les autres collègues, le régisseur en tête, mais aussi les acteurs et les techniciens. Car même si le travail de scénographe comporte des moments en solitaire, le « contact avec les gens fait 80 pour cent du travail ». Et d’ajouter que « c’est cette diversité dans le travail, cette suite alternante de phases différentes que j’aime dans ce métier ».
Actuellement, elle se trouve dans une phase de préparation des pièces prévues pour 2012. Il y a une pièce avec Anne Simon : « J’ai déjà souvent travaillé avec elle, par exemple dans le cadre de la pièce Gier et c’est une bonne collaboration, » se réjouit-elle. Amado. Ein Kriegsmärchen sera montré en janvier 2012 au Théâtre des Capucins. Puis, c’est avec le directeur du théâtre de Trèves, Gerhard Weber, qu’elle travaille sur une pièce, Hedda Gabler, qui sera montrée en avril 2012 au théâtre de Trèves. À part Bric à Brac de Marie-Lune avec laquelle elle avait été au festival d’Avignon cet été, Anouk Schiltz travailla avec Claude Mangen et Maskénada dans le cadre de la pièce mobile Les Tsiganes. Ce furent des « expériences riches pour les contraintes vécues » – quinze minutes pour monter et démonter une scène au festival d’Avignon est très court – ou encore le défi d’attirer l’attention du public dans la rue.
Des rêves ? Prendre pied à l’étranger. « J’aime la variation dans le travail et je n’ai pas envie de tourner en rond ». En tout cas, ce n’est pas l’impression qu’on a à l’écouter.