Christophe de la Fontaine

Être et paraître

d'Lëtzebuerger Land vom 14.10.2011

Pour l’édition 2011 du Prix d’Art Robert Schuman, installé comme exposition inaugurale au Cercle Luxembourg, Christophe de la Fontaine avait présenté une mise en scène de sa création la plus récente, le service de table Format. Dans le contexte d’un prix d’art contemporain, de la Fontaine avait choisi d’installer plusieurs piles de vaisselle, qui faisaient un rappel étrange de la colonne sans fin de Brancusi. Resitués sur une surface en miroir, ces objets en porcelaine fine n’étaient pas clairement identifiables comme des éléments d’un service que Christophe de la Fontaine avait créé à l’occasion du 50e anniversaire de la ligne Studio de Rosenthal. Entre objet utilitaire et superpositions décoratives, ces stèles sont la plus récente démonstration des réflexions esthétiques qui guident le travail de Christophe de la Fontaine depuis le début des années 2000.

De la Fontaine s’applique à utiliser un langage austère tout en évitant d’être sec, ce qui explique son emploi ludique de certains éléments du nouveau service de table Format, lors de l’exposition au Cercle Luxembourg.

Mais le fait d’empiler les éléments, comme des soucoupes, des bols, et des assiettes est également une allusion à un classique de la ligne Rosenthal, le service TC100 que Nick Roericht avait dessiné en 1959 et que celui-ci avait réussi à faire produire sous la belle définition de Hotelstapelgeschirr. L’esthétique appliquée était celle de l’école d’Ulm, qui est également citée sur le site de Rosenthal comme étant une influence importante pour le travail de Christophe de la Fontaine.

La géométrie en est le langage de base et les modules du cône et du cylindre sont déclinés dans cet art appliqué qui rappelle aussi bien des formes industrielles que des simulations 3D sur ordinateur. À partir de là, il a établi une suite de modules qui rendent possible une très grande variabilité dans ce catalogue des formes.

En 2007, Christophe de la Fontaine avait présenté des prototypes de sa chaise Bent, qu’il a réalisée pour le producteur de meubles Moroso, dans le cadre de l’exposition ELO au Mudam. Dans un même souci de simplicité associé à un aspect, cette fois-ci, plus clairement ludique (les jeux du découpage et du pliage), de la Fontaine avait remplacé le carton par l’aluminium. La chaise Bent n’est pas celle qu’elle paraît être. Le pliage qui se fait ici le long des pointillés perforés, ou plutôt poinçonnés dans de l’aluminium et qui donne l’impression de facilité par l’aspect clair et logique de sa forme, ce pliage était complexe à réaliser en usine. Christophe de la Fontaine avait produit là une démonstration efficace de son style personnel qui ironise sur la notion de concept visuel, tout en appliquant une méthodologie rigoureuse qui s’intègre d’autant plus facilement à la production industrielle.

Également en 2007, au Mudam, de la Fontaine avait créé un commentaire en forme d’installation, qui constitue une des premières critiques visuelles efficaces sur l’architecture de I.M. Pei. À l’époque, de la Fontaine avait accroché des lamelles en plastique multicolores, presque identiques à celles qui font encore parfois fonction de garde mouches dans les quelques épiceries de quartier qui subsistent, au travers des passages des différentes salles du musée d’art moderne.

Ce même matériau qu’il avait utilisé pour ces séries de rideaux intitulés Gates, des passages au Mudam, il l’avait mis en mouvement pour une animation visuelle spectaculaire du KIOSK en 2008. Intitulée Transit, cette sculpture cinétique utilisait l’effet de moiré afin de provoquer un effet optique qui détonnait avec l’environnement urbain de la place de Bruxelles.

Depuis 2003, Christophe de la Fontaine vit et travaille à Milan avec sa compagne Ayleen Langreuter (carte blanche au Land du 8 juillet 2011), il revient régulièrement au Luxembourg pour participer à des expositions de groupes comme Moving Worlds au Carrérotondes en 2010, où il avait mis à disposition quatre prototypes de trottinettes aux visiteurs de l’exposition.

Son travail qui oscille entre arts plastiques et arts appliqués, revitalise un langage visuel clair et dynamise des bases conceptuelles qui vont au-delà d’un manichéisme minimaliste.

Christophe de la Fontaine se joue constamment des relations de surface et de structure pour inventer des objets contemporains et intégrer des citations historiques du design du XXe siècle.

Son travail est visible sur le site : http://www.rosenthal.de
Christian Mosar
© 2024 d’Lëtzebuerger Land