Deux nouvelles ont illustré ces derniers jours à quel point les poids lourds du Net et des constructeurs comme Google, Facebook, Apple ou Microsoft se disputent désormais directement le marché des communications interpersonnelles, braconnant ouvertement sur les terrrains de chasse traditionnels des opérateurs de télécommunications et des services de messagerie. Ainsi, Google a annoncé le lancement d’une application Google Voice pour iPhone, au terme d’un litige avec Apple qui est remonté jusqu’à la Commission fédérale des communications (FCC).
Google Voice est un service lancé en mars 2009 consistant à centraliser sur un seul numéro l’ensemble de ses communications téléphoniques, les différents services offerts (transfert ou blocage d’appel, répondeur, SMS, transcription…) étant gérés à l’aide d’une interface web. Certains de ces services sont remarquablement sophistiqués. Pour l’instant, le service s’adresse surtout aux habitants des États-Unis et du Canada : à noter que pour eux, les communications à l’intérieur de ces pays sont gratuites, celles de et vers l’étranger étant très bon marché. Selon des chiffres publiés par erreur par la FCC, et confirmés par Google, le service comptait 1,4 million d’utilisateurs en octobre 2009, dont 570 000 qui l’utilisaient sept jours sur sept. Google Voice s’appuie dans son esprit sur la messagerie de Google, Gmail, elle aussi essentiellement fondée sur une interface web.
Sans surprise, AT[&]T et Apple, liés par un accord exclusif pour l’utilisation des iPhones aux États-Unis, n’avaient pas aimé l’idée qu’un tiers vienne proposer sur l’App Store une application visant à contourner la tarification téléphonique d’AT[&]T et mettre en péril le modèle d’affaires fondant ce partenariat. Apple a donc commencé par ne pas donner son agrément au logiciel pour iPhone proposé par Google. Depuis cette semaine, Google Voice est disponible sur l’App Store ; les parties impliquées, y compris la FCC, ont été discrètes pour l’instant, ne donnant pratiquement pas de détails sur les tractations qui ont débouché sur cette solution.
L’autre épisode est plus centré sur la messagerie, même si un élargissement vers la téléphonie semble parfaitement plausible à terme : cette fois, c’est Face-book qui a dévoilé une « boîte aux lettres sociale » sur laquelle travaillaient ses ingénieurs pour, selon des indis-crétions, « tuer » Gmail. C’est à nou-veau Google qui est visé, mais aussi Microsoft et Yahoo, dont les services de messagerie comptent encore davan-tage d’utilisateurs.
La messagerie de Facebook véhicule quatre milliards de messages par jour et est utilisée régulièrement par environ 350 millions de personnes, a indiqué son CEO Mark Zuckerberg. La nouvelle plateforme se propose d’intégrer l’en-semble des conversations entre amis, y compris les textos, chats et autres messageries, afin de constituer un historique « riche » de chaque interaction. Un des objectifs de Facebook est de proposer davantage de temps réel et moins d’e-mail, considéré comme un mode de communication lourd et incommode. Il faut bien reconnaître à Facebook un talent pour percevoir les attentes des internautes du XXIe siècle en termes d’interaction interpersonnelle. Les ingénieurs comptent être particulièrement performants dans l’exclusion des différentes sortes de courrier indésirable ; mieux, ils espèrent parvenir à proposer aux utilisateurs de Facebook une gestion avancée de la priorité accordée aux différents expéditeurs de messages.
Comme dans le cas de Google Voice, l’avancée de Facebook ne se fera pas sans grincement de dents de la part de ceux qui occupent aujourd’hui ce créneau. On saura dans quelques mois combien d’utilisateurs du réseau social auront activé et utiliseront régulièrement des adresses @facebook.com qui sont proposées dans le cadre de cette initiative : ces chifffres seront en principe un bon indicateur de son succès.