Cette année encore, on aura eu 29 jours en février au lieu de 28. Ça y est, c’est passé, mais cette semaine, comme tous les quatre ans, on se sera demandé pourquoi avoir mis cette journée supplémentaire en plein hiver alors qu’on aurait pu l’ajouter en été et faire, par exemple, un mois de juillet de 32 jours… Force est de constater que la seule réponse qui vaille, c’est évidemment de sombres histoires de gros sous : une journée de plus alors que les salaires resteront identiques, ce sont des point de croissance supplémentaires, du chiffre d’affaire cadeau pour les patrons. Pourtant, au milieu de cet océan de considérations bassement matérielles et capitalistes, les îlots de résistance alter/écolos/bobos continuent de surnager, même au Luxembourg, repaire des méchants financiers et autres fraudeurs fiscaux. On en prendra pour dernière preuve l’ouverture de la « give box » sur le site des Rotondes la semaine dernière.
Le principe est simple : imaginez une grande armoire ouverte, décorée avec l’aide d’un designer, dans laquelle on peut déposer ce dont on ne veut plus et qui pourrait servir à d’autres. Réciproquement, lorsqu’on y trouve quelque chose qui nous intéresse, on peut l’emporter gratuitement. En deux mots, c’est l’endroit idéal pour trouver un guide de voyage sur la Yougoslavie, des cassettes VHS de comédies des années 80, des puzzles de 1 500 pièces – ou presque – et des romans de Danielle Steel en moins bon état qu’à la bibliothèque municipale. Les esprits chagrins ajouteront que c’est une version moderne du « second hand shop » qui existe déjà depuis des années, à la déchèterie de la route d’Arlon, qui présente en plus l’avantage d’être dans une pièce chauffée, surveillée par des employés de la ville, et accessible en voiture. Les usagers des Rotondes, condamnés à se garer au parking de la rue du Fort Neipperg ou à prier Saint-Antoine (ou saint Cactus) pour trouver une place dans les rues de Bonnevoie apprécieront. On pourra noter que, loin d’attendre cette invention, le système de dépôt entre personnes de bonne volonté semble déjà bien fonctionner de l’autre côté des voies ferrées : il n’est pas rare, dans certaines rues derrière la gare, de voir des jeunes en hoodie déposer près d’une boîte à lettre ou dans un hall d’immeuble un petit billet, en attendant qu’un autre partisan de l’économie parallèle et solidaire vienne l’échanger discrètement contre une boulette emballée dans du papier aluminium…
Quant aux habitants de Bonnevoie, ils savent déjà qu’il suffit en général de se promener un dimanche soir du côté des containers à papier, à vêtements et à verre pour trouver de quoi refaire intégralement la décoration de leur salon dans une ambiance Shining. Une autre option étant de se promener un soir avant une collecte des encombrants, qui permet de récupérer des objets qui tiendraient difficilement dans une give box (canapé, table à repasser, fauteuil…). L’idée n’est donc pas seulement de se débarrasser de ses vieilles plantes vertes, mais aussi d’établir un mécanisme d’échange, un réflexe différent de ceux de l’achat compulsif et de la mise en décharge dictés par les lois du marché. Un peu comme les vides-greniers de la place du Parc, qui sont autant le prétexte pour boire, manger une saucisse et discuter que pour compléter sa collection de cartes postales de l’Ösling. Du coup, la proximité de la buvette de la Rotonde 2 pourrait bien constituer le meilleur atout de ce nouveau projet. D’ailleurs, le vrai baptême du feu aura sans doute lieu ce week-end, avec les 2 000 personnes attendues (au moins) au nouveau festival de food trucks, dans lequel la longue quête du burger végétarien pourrait être l’occasion de regarder si rien ne vous tente dans la give box…