Combien vont rapporter les presque trois milliards du fonds de compensation, soit 45 pour cent du total des réserves du régime général d’assurance pension ? Pas grand-chose, prédisent les milieux d’affaires, qui mettent en cause le caractère timoré de l’allocation d’actifs autorisé par le gouvernement : la proportion des placements en actions et valeurs assimilées ne dépassera pas le seuil de 16 pour cent fin 2008, selon leurs calculs. Soit deux points de pourcentage de moins que ce qu’un projet de règlement grand-ducal devrait autoriser. Cette part passera en principe à 24 pour cent d’ici 2009, et devrait être plafonnée à ce niveau très bas en comparaison internationale, en attendant une redéfinition pour les cinq ans à venir de la stratégie financière du Fonds de compensation. Lequel prendra la force juridique d’un fonds d’investissement spécialisé, structure financière qui incarne la flexibilité par excellence. Contradictoire ?
Le ministre de la Santé et de la Sécurité sociale entend faire passer selon la procédure d’urgence, en faisant donc l’économie de l’examen de passage devant le Conseil d’État, un texte qui définit strictement les valeurs limites pouvant être investies en obligations en euros ou en devises non euros ainsi qu’en actions. Mars di Bartolomeo n’a pas pris de grands risques, dans le contexte de fortes turbulences financières, en fixant le montant total à 2,931 milliards d’euros, à prélever sur les réserves disponibles du régime général d’assurance pension au 31 décembre 2007 (soit un total de 6,513 milliards d’euros) pour en optimiser le rendement. Une somme maximale de 1,368 milliard pourra être injectée dans des produits obligataires et le solde de 1,172 milliard sera placé dans des actions ou produits assimilés (18 pour cent selon les chiffres avancés par le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale, mais taux contredit par les milieux financiers qui estiment que l’investissement en actions buttera sur la limite absolue de 1,172 prévue par le texte du règlement et ne représentera donc pas plus de 16 p.c. des réserves investissables).
Appelée à commenter le projet de règlement grand-ducal, la Chambre de commerce considère que l’arbitrage proposé par les autorités pour assurer la « soutenabilité » des pensions pèche par excès de conservatisme. « En soumettant les investissements en valeurs à revenu variable à des limites absolues étriquées en 2008, explique l’organisation dans son avis, le projet de règlement grand-ducal est de nature à contrarier la mise en œuvre par le fonds de compensation d’une politique de diversification des risques et d’optimisation de rendement. » Les milieux d’affaires jugent qu’une proportion de l’ordre de 40 pour cent serait « plus en phase avec la situation observée à l’étranger et même au Luxembourg ».
Les actions dépassent 50 pour cent des portefeuilles des fonds de pension privés aux États-Unis, en Australie, au Canada, aux Pays Bas et en Suisse, selon les chiffres de l’OCDE. Des fonds souverains étrangers, qui financent les pensions futures, sont très orientés actions aussi. Le fonds souverain norvégien en comporte une part de 41 pour cent et devrait en compter 60 d’ici cinq ans.
Pourtant le Luxembourg part de très bas : en 2004, avant la loi sur l’administration du patrimoine du régime des retraites, les réserves étaient investies à plus de 77 pour cent en liquidités, la part des actions étant quasi nulle avec 0,3 pour cent. Entre 2005 et 2007, les placements en liquidités, peu rémunérateurs, ont fondu à 39,7 pour cent, celle des actions en revanche s’est hissée à 12 pour cent. Fin 2008, le rapport de force devrait encore se creuser : 27 pour cent pour les obligations, 18 pour les actions, 27,7 pour les liquidités. Ce poste des réserves ne devrait plus représenter que 16 pour cent d’ici 2009 et atteindre les objectifs stratégiques définis avec des experts externes à l’aune des projections du Bureau international du travail.
Un arbitrage favorable aux actions qui se concrétiserait par un réhaussement de 20 pour cent de leur part dans le portefeuille du Fonds de compensation, en partant de l’hypothèse généralement admise que les actions offrent un rendement additionnel de 4 pour cent par rapport aux obligations, signifierait un accroisse-ment permanent de 0,8 pour cent du rendement moyen des actifs. En chiffres absolus, ce serait 60 millions de plus par an dans les caisses de pension, dont on dit qu’elles ne seront plus viables, si le système reste inchangé, à l’horizon 2030/2035.