Son appartement parisien est exactement comme on l’imagine. Rempli. D’affiches sur les murs, de petites cartes postales, de flyers, de dépliants, de magazines et de livres s’empilant sur sa table de travail et sur les fauteuils, de vinyles, de disques et encore de livres dans ses armoires et sur ses étagères. Il boit du thé dans un petit bol. Il dit : « En fait, j’exerce un métier mort, si l’on considère les typographes qu’employaient par exemple les journaux et les imprimeries à l’époque. Mais le métier est en train de revenir et il faudra donc le redéfinir. » Michel Welfringer, né au Luxembourg en 1978, est graphiste, certes, mais il est avant tout typographe. Il travaille le texte, si l’on veut. « Les gens qui me proposent des projets cherchent non pas un style, mais une approche. » Car en effet, les styles, il les multiplie, selon besoin.
Après des études de design et de graphisme à la Cambre de Bruxelles (en 2004, son court-métrage d’animation typographique B®USH – gotoAndPlay (‘WAR’) est primé du Prix Coup de cœur des amis de la Cambre et est sélectionné dans plusieurs festivals), Michel Welfringer s’installe à Paris pour travailler en tant que typographe freelance. Il commence par s’occuper de pochettes de disques, de petits flyers, d’affiches de tournée, notamment pour son ami de longue date, Pascal Schumacher, ou plus récemment pour Cirkus ou encore le groupe luxembourgeois Kate. Suivent des projets dans la presse et dans le domaine de l’édition : pour la revue Irrévérent, pour Beauxarts Magazine. Mais il a également été engagé par des musées, pour créer des catalogues, des affiches, de la publicité. Il a couvert l’exposition Great expectations au Casino du Luxembourg. Il a créé une police (au nom plus ou moins alien de « MacMac ») pour le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne. Il a fait des génériques et des habillages de plusieurs films (notamment Senteurs de Laura Schroeder).
Mais Michel Welfringer fait également dans le spectacle. En 2009, pour le festival Rainy Days de la Philharmonie, il a créé, avec Pascal Schumacher, Ian Monk et les United Instruments of Lucilin, le spectacle pluridisciplinaire CTRL Variations, dont il a assuré la conception, la scénographie et les animations typographiques. Il s’agissait d’un spectacle unissant de la musique – jouée par un ensemble de sept musiciens – au texte d’un dialogue amoureux (que s’écrivent deux personnes par ordinateur) défilant, animé de façon assez complexe, sur trois écrans géants. Le public en ressortait abasourdi.
Son plus gros projet, réalisé en 2009 et une deuxième fois en 2010, est la création de la nouvelle identité visuelle de la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes, une sélection (parallèle à la sélection officielle) qui réunit chaque année une vingtaine de longs-métrages et à l’issue de laquelle différents prix (Art et Essai, Regards Jeunes, prix de la Société des auteurs) sont distribués. Michel Welfringer a non seulement conçu un nouveau logo, mais s’est également occupé du site web, et a créé l’ensemble des supports de communication du festival : affiches, catalogue, dépliant-programme, billets, invitations, badges, dossier de presse, jusqu’aux t-shirts. « J’ai dû mettre sur pieds toute une équipe pour ce travail. Parfois les délais xétaient très serrés. On nous demandait de réaliser un travail de deux semaines en quelques jours. »
Pour Michel Welfringer, la maîtrise de la forme est très importante. « Un travail bien fait est celui où la forme ne se remarque pas. » Il se dit perfectionniste, très soucieux des détails. Lorsqu’il crée une police, par exemple, il travaille d’abord à la main, avant de se servir de son ordinateur. Il façonne le texte et les lettres comme d’autres façonnent le bois ou le marbre. Mais il n’est pas auteur. « Je travaille avec du texte, mais je ne sais pas écrire. Donne-moi un texte, je lui donnerai une forme, un cadre, une mise en page appropriée. Et je lis attentivement tout ce que je maquette. Parfois cela fait toute la différence. » D’où l’intérêt du typographe pour les poètes, souvent un peu avant-gardistes, pour les jeux littéraires, les exercices de style oulipiens. Le rythme et les sonorités d’un texte le fascinent. Il aimerait travailler plus avec des éditeurs, des écrivains.
Il avoue qu’il préfère nettement travailler sur du print que sur des sites internet. Il est un typographe des temps modernes, mais aux méthodes résolument artisanales. Il aime le papier. Voilà une approche qui n’est pas sans porter ses fruits, dans une époque où l’image (parfois trop rapidement conçue) d’une chose est toute-puissante.