Jean-Claude Sacerdot, un auteur pas comme les autres ? À bien y réfléchir, oui. Seulement deux romans – policiers – à son actif (alors qu’il est prêt de souffler ses 70 bougies). Et pour cause, le roman est la dernière vocation en date de celui qui signa des articles pour le moins très décalés voire hors sujet dans feu La Voix du Luxembourg. Et avant d’être journaliste, il fut inspecteur au 36, quai des Orfèvres. Et avant, bien d’autres choses encore.
Un autodidacte de la plume donc. Ce qui n’est pas sans rappeler le cursus d’un autre Français, un certain Roger Borniche, inspecteur jusqu’en 1956, puis auteur de polars. Plus récemment, c’est le Français Olivier Marchal qui a fait le grand pas de la police à l’écriture, mais de scenarii. Tels des taupes, des infiltrés, ce sont eux les mieux à même que quiconque de parler d’une institution de laquelle ne filtre pas grand chose, donc fantasmée, d’affaires dont certains tenants et aboutissants sont classés secret défense d’un métier sous pression, de représentants jadis craints et respectés, aujourd’hui méprisés, voire pris pour cibles.
Là peut pourtant s’arrêter le parallèle entre l’auteur de Lucky Lux et ses honorables confrères. La réalité sans fard, glauque et violente qu’est celle de la police n’a pas les faveurs de Sacerdot qui préfère la transposer dans un cadre plus glamour et haut de gamme. Et le héros d’être vite trouvé. Dans celle qui fut un temps sa patrie d’adoption, le Luxembourg. En fait, Michel Hoffmann est d’après ses papiers mi-Français, mi-Luxembourgeois, mais en réalité tellement plus Luxembourgeois que Français. De par l’épaisseur de son portefeuille, qu’il doit à son ascendance, une famille de producteurs « de grands vins de Moselle », et qui lui confère, en plus d’une culture du beau, allure et prestige (« sa dégaine de dieu de l’Hellène et une garde-robe de grands couturiers portée avec une élégance inouïe »). Quant à sa nomination d’une rapidité et d’une facilité déconcertantes au 36, quai des Orfèvres (« Une salade administrative suivie d’un coup de shaker des Premiers ministres d’alors de ces pays frères, et le jeune commissaire s’était vu servi tout frais sur le plateau d’argent martelé de la police de la République Française malgré des émoluments à revoir à la baisse. »), elle n’a rien à envier aux pratiques encore bien courantes tant ici que là-bas.
Un super héros affublé du surnom de Lucky Lux parce qu’être Luxembourgeois et malheureux est inconcevable et aussi parce qu’il fait usage de ses poings plus vite que son ombre. Mais autant Lucky Luke, Jolly Jumper, Rantanplan et les frères Dalton font rire, autant Lucky Lux, non. Sauf quand on assiste à la descente aux enfers du ministre Boutefeux aux accents patronymiques de Hortefeux et aux instincts incontrôlables de DSK ou quand on tombe sur la phrase « des écrits puissants de Gaston Carré, l’un des plus beaux écrivains de langue française ». Sinon, le roman se traîne en longueur. Sacerdot n’y semble émoustillé que par son pavaneur et blablateur de héros. L’intrigue – un complot terroriste visant l’industrie française – n’est que prétexte, le suspense est inexistant et l’enquête de même que les motivations des « méchants » sont bâclées.
Comme si Sacerdot avait consacré toute son énergie, non pas au contenu, vide donc, mais à la forme, la langue. Un argot très fleuri qui s’égraine de pages en pages et lasse. Et pas sûr qu’on s’en réjouirait davantage si le texte n’était pas truffé de fautes d’orthographe, de grammaire et de typographie. En cela au moins, Lucky Lux remporte une palme.