Elu chef de l’année 2014 par le guide Gault & Millau, Cyril Molard – d’origine vosgienne, mais bien implanté dans le paysage culinaire Luxembourgeois avec son établissement Ma Langue Sourit – est d’abord un homme passionné, travailleur et gourmand. Fort occupé, entre le restaurant étoilé ouvert midi et soir et son rôle de papa entre les deux services, il est difficile de le rencontrer en personne. Mais sa voix au téléphone est sympathique, humble, et le flot de paroles jaillit comme une source, avec de la passion et de l’entrain.
Le nom du restaurant, lui, est issu d’un livre de citations culinaires, de la bouche d’une petite fille, Julie Parmentier, au sujet d’une mousse au chocolat, qu’elle venait sans doute de déguster. « Au départ le nom peu paraître bizarre, mais quand on comprend, cela fait sourire. »
Le parcours de ce chef étoilé, va débuter par la charcuterie de son père, avant de passer par l’apprentissage du métier de traiteur et de boucher. Ensuite son chemin sillonne entre Paris, où il apprend sous le chef Guy Krenzer à l’institution Lapérouse, et Londres, à l’hotel Claridges, avec Emmanuel Renaut, qu’il va suivre au Flocon de Sel à Mégève. « L’apprentissage c’est la plus belle façon d’apprendre la cuisine ».
Il va arriver au Luxembourg en 1998, où il va commencer à La Lorraine, continuer par Le Royal avant de se lancer et ouvrir son propre restaurant, Ma Langue Sourit, en 2008, avec l’ambition de réussir.
Que faut-il, selon lui, pour devenir chef étoilé ? « Il faut être un peu fou. Il faut un peu d’innocence et beaucoup, beaucoup, beaucoup de courage. » Ce dernier est nécessaire par exemple quand, comme cela vient d’arriver à son ami Illario Mosconi, on perd une étoile. Il faut du courage pour continuer, pour recommencer, pour ne pas perdre espoir. « Il faut être rêveur et optimiste ». Depuis qu’il a ouvert son restaurant en 2008, – la crise des subprimes aux USA venait de déverser ses premières vagues sur le continent – « il n’y a pas un jour, sans qu’on vous parle de La Crise », explique Cyril Molard. Mais au Luxembourg, on dépense de l’argent quand-même. « Les gens se font plaisir ». Il faut rester optimiste.
Il est nécessaire également d’avoir « beaucoup d’espoir » et de « croire en la récompense par le travail ». Cette « valeur du travail », la jeune génération en manque, selon lui. Elle ne se rendrait pas compte qu’il faut travailler beaucoup et par passion pour arriver à se distinguer, explique-t-il. Peut-être par la faute des séries télévisées, qui font croire qu’il suffit de gagner un concours. « Ce n’est pas aussi facile », dit-il, « il faut un peu redescendre sur terre, c’est un métier manuel. C’est beaucoup de travail. Tous les jours deux services : midi et soir ». Et puis c’est tout le reste, la comptabilité, l’organisation, le travail en équipe,…
En ce qui concerne les points Gault & Millau, où il vient de passer de 16 à 17/20, et les macarons Michelin, dont il en a un depuis 4 ans, son approche est très terre à terre : « Si on vous dit que personne ne court derrière les étoiles, c’est un mensonge. Je serais très content d’en avoir deux… Mais il ne faut pas faire une fixation. Il faut avancer. Faire plaisir, » dit-il et aussi « si tu t’inscris dans les guides de cuisine, il y a toujours du positif et du négatif. Il faut accepter les règles du jeu. »
Pour Cyril Molard, la passion de la cuisine se découvre à travers la préparation des plats. « C’est beau la préparation, mais c’est effervescent et volatile. Les gens vont manger en cinq minutes, ce que nous avons mis une matinée à préparer. C’est déroutant au départ », explique-t-il.
Au début, Cyril Molard ne voulait pas nommer son restaurant gastronomique, « parce que personne ne sais ce que cela veut dire au juste, mais je voulais l’appeler Restaurant de Gourmandises : tout le monde connaît les gourmandises ! ».
Lui-même gourmand : son plat préféré est le poulet rôti avec le jus, le goût et l’odeur. Et son dessert préféré : la religieuse, dont il va faire une interprétation personnelle, une sorte de cover-song, servie comme gourmandise en avant-dessert : La religieuse au caramel de beurre salé. Ici, la pâte à choux sera glacée au caramel, le crème pâtissière traditionnelle remplacée par une mousseline au caramel de beurre salé. Petite, délicate, légère, un plaisir pour les yeux et croustillante et fondante en même temps, un goût qui continue à faire sourire les papilles pendant un moment encore…
Aller au bout de son rêve, pour ce chef étoilé, serait de faire de Ma Langue Sourit « une belle destination gastronomique ». Il veut atteindre l’attention des gourmets. « Des gens qui viennent dans votre restaurant de loin. » Pour cela « il faut évoluer au fur et à mesure. Ecouter les clients… Le client est le plus important. »
La prochaine fois que vous allez faire un détour à Moutfort, pour déguster les délices préparés par le chef de l’année, Cyril Molard, savourez des yeux la présentation et laissez vos papilles se réjouir des goûts, attendez que votre langue sourie, avant de prendre la prochaine bouchée. Par respect de la matinée de préparation et surtout pour votre plaisir !
Béatrice Dissi
Catégories: Stil
Édition: 22.11.2013