Cette année, pour Saint Nicolas, les enfants sont à la fête. Avant de recevoir leurs cadeaux du vieillard débonnaire, ceux qui sont trop vieux pour y croire encore ont déjà pu subir les reproches de la société tout entière. Jeunes de quinze ans, retournez sur Facebook, remettez votre casque Monster Beats sur les oreilles, vous êtes nuls. C’est prouvé scientifiquement par l’OCDE.
L’étude Pisa, c’est un peu les jeux olympiques de l’algèbre et de la grammaire. Sauf que ça ne se déroule que tous les trois ans. Et qu’il n’y a ni cérémonie d’ouverture, ni remise de médailles. Vu le contenu des épreuves, l’effort des candidats est d’ailleurs beaucoup moins médiatisé que leurs résultats, qui ont été rendus publics cette semaine : les adolescents d’une soixantaine de pays ont répondu à des questions et se sont soumis à des tests pour évaluer où se trouvait le meilleur système d’enseignement.
Au Luxembourg, au printemps dernier, les élèves de quinze ans ont ainsi pu choisir entre un questionnaire en français ou en allemand, mais malgré cela, les résultats ont encore une fois été décevants. Légèrement pires que ceux de nos voisins (France, Belgique, Allemagne), qui sont pourtant eux-mêmes relativement médiocres. Comme les années précédentes, les épreuves consistaient à répondre à des questions de compréhension sur base de textes courts ou à déterminer à quelle heure devait partir un randonneur qui veut revenir d’une montagne avant la tombée de la nuit étant donnée sa vitesse moyenne. À la clé, les candidats ne reçoivent ni diplôme ni relevé de notes mais les résultats sont compilés dans une grande étude statistique qui permet de classer les pays participants. Et ces résultats prouvent surtout, s’il en était encore besoin, que non seulement les Chinois vont dominer le monde mais que, en plus, ce n’est pas seulement grâce à leur main d’œuvre bon marché et à leur sens de la discipline, mais également parce que leurs enfants sont plus intelligents que les nôtres.
Il ne manque plus qu’on fasse des concours internationaux d’évaluation des capacités culinaires et des tests mondiaux de conduite pour qu’on sache enfin quelle est la nation qui fait le mieux à manger et quels sont les pires conducteurs de la Terre. Tout cela sur base d’une évaluation incontestable, qui donnerait aussi une répartition par sexe et origine sociale (comme le fait déjà Pisa), histoire de pimenter un peu plus les débats et les discussions enflammées sur les forums Internet.
À la suite de ces études, en général, les articles se demandent ce qu’il faut faire. Hé bien, en ce 6 décembre, voici une réponse : il faut consoler ses enfants. Vous êtes nuls certes, mais on vous aime. Et cela tombe bien, car nous sommes en décembre. Et quelle meilleure preuve d’amour qu’une nouvelle console de jeux vidéos, un forfait avec SMS illimités ou un bon cadeau chez Holy Ghost Tattoo ? Aller faire un tour au marché de Noël.
Oui, le marché de Noël est kitsch, les manèges n’y sont adaptés qu’aux moins de huit ans et personne n’a envie de recevoir en cadeau des fleurs en bois, du saucisson aux myrtilles ou des bijoux artisanaux, mais c’est justement ce qui donne toute sa valeur à cette sortie. Si vous êtes prêts à consacrer plusieurs heures de votre temps libre à braver le vent du nord, les risques de neige, les difficultés de stationnement, la foule qui se presse pour partager un verre (pardon, une botte) de glühwein et un sachet de churros avec votre progéniture, c’est qu’il reste quand même un fond d’espoir.
Et puis, de toute façon, est-ce si grave de ne pas vraiment comprendre ce qu’on lit, ou de ne pas savoir calculer l’ouverture maximale d’une porte à tambour en fonction de l’angle de ses vantaux, alors qu’on est certainement le pays où l’on parle le mieux le luxembourgeois, où l’on réussit le mieux les Gromperekichelcher et où les habitants sont les plus contents de leur grand-duc.
Catherine Jost
Catégories: Stil
Édition: 29.11.2013