Plus jamais ça ! Le CSV ne veut plus jamais revivre un traumatisme comme celui de la proposition de loi Err/Huss sur l’euthanasie, où, par deux fois, le plus grand parti fut mis en minorité par une alliance de l’opposition avec certains membres plus progressistes en matière de questions sociétales de la majorité. Ayant complètement sous-estimé la dynamique qu’allait prendre le sujet, scindant la société et le parti en deux, les dirigeants du gouvernement, du parti et de la fraction avaient mal préparé le dossier et se retrouvaient exposés sur la place publique comme un groupe divisé entre passéistes dirigés par l’église et chrétiens-sociaux sans morale – les deux positions, pour ou contre le projet, étaient montrées du doigt. Le CSV se sentait piégé par son partenaire de coalition, le LSAP.
Donc, ça, plus jamais ! – voilà une des grandes prémisses du CSV, renforcé de deux sièges à la sortie des urnes, avant le début du travail parlementaire de la nouvelle chambre, la semaine prochaine. « Pour cette législature, avait souligné le président du parti François Biltgen en présentant l’accord de coalition devant les militants, lundi soir, nous avons besoin de réformes structurelles. Mais il est tout aussi important que les deux partenaires de coalition travaillent ensemble. Nous avons convenu avec le LSAP que nous allions respecter l’accord à la lettre, et que nous n’allions en aucun cas chercher des majorités alternatives ! » Ainsi, le dossier « euthanasie » est intouchable durant ces cinq ans à venir.
Si le nouveau gouvernement donne déjà une impression de lassitude et manque d’enthousiasme, malgré l’arrivée de trois nouveaux ministres (voir page 6), le renouveau dans le débat public pourrait venir de ce nouveau parlement. Car c’est là que le plus de têtes changent, avec vingt pour cent de nouveaux députés, dont le plus jeune, Ben Scheuer (LSAP, Est, fils de Jos Scheuer), a 28 ans. Paul-Henri Meyers (CSV, Centre) est le doyen des parlementaires, avec ses 72 ans. La moyenne d’âge est assez élevée, 52,4 ans. Vingt pour cent des députés sont des femmes, une proportion stable depuis 1994. Parmi les nouveaux venus, il y a des surprises, comme Félix Eischen (CSV, Sud), ancien animateur de radio et de télévision, le sexologue du ministère de la Famille, Mill Majerus (CSV, Centre), le président du LCGB, Robert Weber (CSV, Sud) ou le président de l’Association des hommes du Luxembourg, diplomate et auteur de romans policiers Fernand Kartheiser (ADR, Sud). Que le maire de Hespérange, Marc Lies (CSV), prenne aussi la succession de Marie-Thérèse Gantenbein au parlement n’étonne guère, tout comme l’arrivée d’Emil Eicher, maire de Munshausen (CSV).
Mais parmi les nouveaux, il y a aussi Jean-Louis Schiltz, l’ancien ministre de la Coopération, de la Défense et des Communications, avant cela secrétaire général du parti – il n’avait jamais siégé au Parlement, après s’être présenté une première fois aux urnes en 2004, il avait tout de suite été nommé ministre. Au grand étonnement des observateurs politiques, il abandonne son poste de ministre – il s’est classé troisième au Centre le 7 juin, améliorant son score de plus de 7 000 voix. Mais le formateur Jean-Claude Juncker a choisi de concéder deux postes de ministre à la circonscription Nord et deux à l’Est, donc le Centre (où le CSV compte neuf sièges) aura, au-delà de ses deux ministres, deux postes-clés au Parlement : Jean-Louis Schiltz prendra la succession de Michel Wolter, démissionnaire selon son propre vœu, à la présidence du groupe parlementaire et Laurent Mosar est candidat à la présidence du Parlement, succédant à Lucien Weiler. Quadras dynamiques, les deux hommes, très libéraux dans leurs positions, aussi bien en politique économique qu’en questions de société, pourraient symboliser un nouveau CSV au parlement – qui tienne tête à la déferlante Xavier Bettel.
Car l’ultra-populaire échevin social de la capitale, qui a laissé derrière lui tous les grands de son parti, de Lydie Polfer à Paul Helminger, nouveau président du groupe parlementaire libéral, a promis une opposition plus fougueuse qu’en 2004-2009, malgré la perte d’un siège. Connu pour son acharnement contre l’ancien ministre de la Justice Luc Frieden (CSV) et sa renommée de fêtard, Xavier Bettel pourrait secouer un parlement trop sage, car dominé par les 39 sièges de la majorité. Lors de la précédente législature, Jean-Claude Juncker avait réussi à convaincre le DP de pratiquer une opposition assez docile. Plus incontrôlable, plus impatient et sans être passé par une association compromettante avec le CSV, Bettel provoque de la méfiance. Comme pris de panique de se faire doubler par ce jeune loup, même les Verts ont remis un peu de piment dans leur discours.
La reconversion de Lucien Lux, l’ancien ministre socialiste des Transports et de l’Environnement, symbolique perdant des élections législatives, en nouveau président du groupe parlementaire procède de la même logique d’une mainmise du gouvernement sur le parlement. Secrétaire général du parti avant les élections de 2004, il en connaît bien les rouages et les mandataires ; homme de pouvoir rôdé en stratégie, il aura certainement aussi comme charge implicite de contrôler les rebelles et les individualistes de la fraction, comme Lydie Err ou Véra Spautz. La mouvance sociale et syndicale est désormais représentée plus fortement à droite – trois députés sont ou étaient membres de la direction du LCGB – qu’à gauche, ce qui pourrait faciliter les projets de réforme du gouvernement dans le domaine, comme la révision des salaires de la fonction publique.