Inévitable, le numéro sur l'événement qui a marqué ces dernières semaines luxembourgeoises : l'intronisation du nouveau Grand-Duc. Jemp Schuster s'est toujours intéressé au père et au « Son » grands-ducaux. En l'occurrence, il parle donc de l'« Ex-Jang » et, entre autres, du remarquable fait que de petits princes arrivent à apposer leur signature dans le livre d'or de la mairie de la capitale.
Ce numéro sort de la logique générale de ce programme dans la mesure où, pour le reste, les textes de Jemp Schuster s'accrochent aux « petites » gens, à Monsieur Dupont. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, cette vision des choses généralisée fonctionne peut-être au premier coup d'oeil. Le nouveau cabaret Alles Schmink s'applique justement à montrer que tel est rarement le cas.
Bon, il faut un titre à tout programme de cabaret. Mais on voir mal, en l'occurrence, quel est le rapport entre le titre choisi et, par exemple, la curieuse politique d'attribution des prix littéraires luxembourgeois. Sonnant assez original à une première écoute, la dénomination Alles Schmink s'avère au fil des numéros comme un fourre-tout par moments bidon, ce qui arrive d'ailleurs souvent dans de tels spectacles luxembourgeois. Mais ce n'est certainement pas l'essentiel.
L'essentiel, c'est plutôt que tous les textes sont d'une rare qualité. Plus concis et précis que d'habitude, ils reflètent sans fioritures des réalités tant luxembourgeoises qu'universelles. Formidable, la trouvaille relative au mercenaire reconverti en contrôleur de chiens de combat. Extraordinaire aussi de voir un mec se lamentant de sa compagne s'avérant être une ...poupée Barbie. Navrant de banalité, le couple lambda face aux avis mortuaires de notre journal quotidien à nous tous.
Ce qui agace un peu, c'est que toute la publicité autour de ce spectacle évoque le seul nom de Jemp Schuster. Oui, évidemment, c'est lui qui écrit les textes, mais pour d'autres soirées ne parle-t-on pas plutôt du nouveau cabaret de la Peffermillchen ou de telle autre troupe ? Qui donnerait vie à des personnages successifs variés, sinon les acteurs ? Pour moi, le nom de Jemp Schuster est depuis longtemps associé à celui de son épouse Mady Durrer, même si on n'a pas oublié non plus sa partenaire de l'an dernier, ou alors, il y a une dizaine d'années de cela, cet autre Jemp nommé Hoscheit.
Mady Durrer, c'est l'élément féminin indispensable à ces programmes de cabaret qui se suivent bon an, mal an, et cette fois, on ne peut que saluer les effets de cette année sabbatique qu'elle a dû s'accorder. Elle paraît transfigurée ; dans les passages chantés, sa voix paraît plus claire et formée que jamais. Elle est tour à tour la femme battue faisant « gudd Minn zum béise Spill », la bigote suivant son curé à Rome comme à Lourdes ou encore la rusée arrivant à épargner à son chien de combat la muselière si pénible. Plus belle que jamais, elle confère à ses rôles même amusants une dignité et une grandeur qui ne les font pas oublier de sitôt.
Jemp Schuster lui-même, l'acteur, surprend une fois de plus par son jeu extrêmement naturel, et l'expression est déjà contradictoire. Avec lui, on n'a en réalité jamais vraiment l'impression qu'il « joue ». Prototype du « Stoffel » luxembourgeois, avec tous les côtés agaçants et attachants que cela implique, il est d'un naturel désarmant qui s'accorde parfaitement avec le jeu disons un peu plus élaboré de sa partenaire. Quand c'est Jemp Schuster qui incarne un personnage pour qui le vrai courage civil, c'est d'écrire des lettre anonymes à l'éditeur, on ne doute pas un instant du caractère saugrenu de son propos. De façon que le « stomme Kreesch » d'un gars comme celui-là - qui, pour toute protestation contre la « Nordstrooss », ne fait qu'ignorer superbement ledit tracé -, on a littéralement l'impression de l'entendre.
Alles Schmink, présenté jusqu'au 26 octobre au Théâtre du Centaure à Luxembourg-Ville. Toutes les représentations se jouant à guichets fermés, ruez-vous sur la tournée à travers le pays à partir du 27 octobre !