Il est fini, à Luxembourg, le temps où l’on passait simplement devant un cinéma, on voyait qu’un film commençait peu après et on décidait, à l’improviste, de se faire une toile. À moins de vivre du côté de la rue de la Faïencerie au Limpertsberg ou de travailler tout près du rond-point Serra au Kirchberg… – depuis 2004 et la fermeture du Ciné Cité, une séance de cinéma est une activité qui se prépare, pour laquelle on se déplace exprès.
Depuis le 17 juin et la réouverture des cinémas après le confinement, c’est encore plus le cas. Pas beaucoup de nouveautés à se mettre sous la dent – la France n’a déconfiné ses salles obscures que le 22 juin, la Belgique le fera le 1er juillet ; du coup les distributeurs semblent frileux vis-à-vis du Grand-Duché – mais aussi des films qui avaient dû interrompre leur exploitation en mars à cause de la Covid19, ainsi que des reprises de blockbusters tels qu’Interstellar, Dunkirk ou Parasite.
Qu’importe, après trois mois de fermeture, l’envie de retrouver la salle, les fauteuil, l’écran géant,… est grande parmi les cinéphiles. Du coup, retour sur l’application de Kinepolis pour réserver une place pour le tout premier soir. À choisir, ce sera le biopic De Gaule de Gabriel Le Bomin, avec Lambert Wilson dans le rôl-titre. À la veille du 80e anniversaire du fameux Appel du 18 Juin, on se dit que ça fait sens.
En quelques clics, la réservation est faite. Ce sera pour 20h30 au ciné Utopia, un horaire inhabituel. D’habitude les séances sont plutôt autour de 19 h, puis de 21 h, mais les nouvelles contraintes sanitaires – nettoyage des salles après chaque séance, décalage des différentes séances afin de minimiser les flux de circulation au sein du complexe, etc. – font que chaque salle peut accueillir un maximum de trois séances par jour. Dès l’achat finalisé, on reçoit un mail de confirmation. Le film, la séance, la place demandée, tout est bon ! Mais juste en dessous on découvre un bandeau nouveau : « Happy to see you again » nous dit-il (c’est gentil !) et puis : « Informations importantes : Nous vous demandons de venir maximum 30 minutes avant votre séance. Suivez les instructions de nos employés et vérifiez toutes nos mesures de sécurité » À la fois rassurant et un peu angoissant. Mais bon, la réservation est faite.
Et ce n’est pas fini. La veille de la réservation, nouveau mail : « Informations importantes concernant votre visite ». Un bandeau rappelle une nouvelle fois, à travers des pictogrammes, les différentes règles et recommandations d’hygiène. Puis ce texte : « Il est presque l’heure pour votre visite à Kinepolis ! Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau. Afin de rendre votre visite au cinéma aussi sûre et détendue que possible, nous aimerions vous demander de prêter attention aux points ci-dessus, afin que nous puissions garantir la sécurité de chacun. Nous vous demandons également de rester à la maison si vous rencontrez l’une des situations suivantes : Symptômes de rhume, telles que toux et/ou mal de gorge. Fièvre. Cela s’applique également si quelqu’un au sein de votre ménage rencontre ces symptômes. » Décidément, on ne rigole pas avec les nouveaux protocoles sanitaires !
Le jour J arrive. Les cinémas ont rouvert. Les premiers contacts sur les réseaux sociaux commencent à annoncer leur présence à telle ou telle séance. On a hâte. Mais, pas de chance, à 18h30, nouveau mail de l’exploitant : « Nous tenons à vous informer que malheureusement nous devons annuler la séance de ce soir de DE GAULLE dû à un problème technique ». Qu’à cela ne tienne. Un petit échange de mails plus tard, le ticket est changé, finalement la reprise se fera à 20 heures avec Ema, du chilien Pablo Larrain.
Comme demandé, on arrive 30 minutes avant la séance. Trois personnes discutent à l’entrée du cinéma, tous portent le masque, comme les différentes affichettes le rappellent à peu près partout dans les lieux. Personne aux caisses. Direction le bar. Pour ça il faut suivre le fléchage et passer ses mains par le gel hydroalcolique mis à disposition. Le ticket réservé est bien là avec les employés, masqués eux aussi. Dans les recommandations, le cinéma demande aux visiteurs d’acheter leurs menus KineGo online – ça marche pour les Kinepolis, pas pour Utopia –, mais le bar est ouvert. Pas de sandwichs, ni de quiches, mais les glaces, gourmandises et boissons habituelles sont, elles, bien en place et prêts à être vendues ; à condition que le spectateur paye en carte bleu. Les tickets sont aussi en vente.
Un petit passage préventif aux toilettes s’impose. C’est plus compliqué. Les toilettes sont limitées à un maximum de quatre personnes – comment savoir combien de personnes se trouvent à l’intérieur avant d’y être entré ? et puis, où attendre sans bloquer le passage si c’est complet ? La moitié des urinoirs, des toilettes et des lavabos sont condamnés, le sèche-main électrique volontairement à l’arrêt et remplacé par un distributeur de serviettes en papier. Et puis, impossible de retourner vers les salles 1 ou 2 du complexe en respectant le circuit fléché à la lettre. Heureusement il n’y a pas trop de monde.
On entre enfin dans la salle 2. On s’installe à sa place – il ne faut surtout pas s’asseoir ailleurs ! – et on peut, enfin, enlever son masque. On retrouve enfin une certaine normalité. Malgré les recommandations des spectateurs arrivent encore pile à l’heure de la séance. On sera dix dans la salle. Deux couples, un trio et le signataire de ces lignes. Pas de quoi s’inquiéter de la distanciation. Mais honnêtement, on a aussi connu des séances avec bien moins de monde avant le confinement !
Une seule pub à l’écran, pour l’Armée luxembourgeoise, beaucoup de bandes annonces et encore les recommandations sanitaires dont une nouvelle – ne vous levez pas de votre place avant que la lumière soit à nouveau allumée. Enfin le film. Chut, ça commence ! Pendant 1h42, on oublie le confinement, le coronavirus, les problèmes personnels. La magie du cinéma opère toujours. Reste que l’actualité se rappelle rapidement à nous. Après quelques secondes de générique de fin, celui-ci s’arrête d’un coup. Un nouvelle diapo nous rappelle de remettre le masque, de quitter la salle en gardant les distances, etc. Le reste du générique attendra. Une projo étonnante pour sûr. Mais pour l’heure, c’est ça ou rien !