Pire que les chamailleries entre Viviane Reding et Claude Wiseler sur qui sera le plus visible dans la campagne électorale du CSV pour les législatives d’octobre, il y a l’éternelle guéguerre entre les organisateurs de concerts Den Atelier et la Rockhal. Ou plutôt : entre Laurent Loschetter du premier et Olivier Toth de la seconde. Après de longues procédures devant le Conseil de la concurrence pour abus de position dominante, soutenues par l’Atelier suite à une plainte privée contre la Rockhal et classées sans suites, voici que la simple annonce d’un concert de Sting, organisé le 30 juin prochain par l’établissement public Centre de musiques amplifiées, déclenche les foudres publiques de Den Atelier, qui se fendait dès l’annonce, mercredi, d’un communiqué cynique sur cet événement. Car le même jour aura lieu la deuxième édition du festival urbain Siren’s Call à Neimënster, organisé par Den Atelier, en collaboration avec tout un écosystème d’associations sans but lucratif. En programmant une star mondiale comme Sting face à leur festival, la Rockhal mettrait « en péril » le Siren’s Call, écrivent les auteurs de l’Atelier. Ce serait un « événement commercial face à un projet associatif et participatif ». Alors certes, il serait plutôt dans la nature des choses que Den Atelier, organisateur privé et commercial, programme Sting (via le géant Live Nation) et la Rockhal, établissement public auquel le législateur a confié une mission culturelle, s’essaie dans l’artistique. Mais à part cela, ce nouvel accrochage est vraiment d’un niveau de bac à sable.
Premièrement parce que Sting, franchement, à
67 ans et malgré la nostalgie qu’on peut ressentir en entendant son hit mondial sur la guerre froide Russians (1985), c’est un pépé de la scène. Qui en plus passe très régulièrement au Luxembourg, la dernière fois en 2017, où il a profité de l’occasion pour promouvoir son vin (!) dans une petite vinothèque. Même en open air dans la coulisse impressionnante de Belval, il attirera surtout les ménagères de plus de cinquante ans. Le Siren’s Call par contre affiche un line-up autrement plus sexy et plus jeune, avec MGMT en tête d’affiche, mais aussi Eels (envoûtants en live) ou encore Fishbach. Ce sera plutôt un événement pour bobos urbains, vingt à quarante ans, juste avant le départ en vacances.
Deuxièmement parce que, au lieu de fédérer les publics, cette guéguerre entre personnes contribue à diviser une scène musicale microscopique. Si Den Atelier, et surtout sa forte tête et un des propriétaires Laurent Loschetter attaque constamment la Rockhal sur le fait qu’elle a un statut d’établissement public et reçoit de ce fait des deniers publics pour sa mission culturelle, c’est de plus en plus folklorique, puisque lui-même, Laurent Loschetter, préside désormais un établissement public, la Radio 100,7, et est membre du conseil d’administration d’un autre, le Mudam. Les radios privées comme RTL pourraient tout à fait reprocher à 100,7 son financement public, et les galeries privées en vouloir au Mudam de ne pas acheter assez chez elles (dans le sens d’une redistribution des deniers publics) ou aux membres de son CA d’imposer leur goût privé ou celui de leurs sociétés à l’institution publique.
Troisièmement parce que... on s’en fout ! Même si au Luxembourg, le public discute toujours davantage et passionnément de la qualité du catering lors d’un concert, de la température de la bière ou de la distance à parcourir pour récupérer sa voiture après les dernières notes que de l’émotion qu’aura provoqué une prestation artistique (ou pas). Même si cette richesse de l’offre culturelle n’est vieille que de vingt ans (treize pour la Rockhal)... Il serait néanmoins temps d’en arriver à une normalisation. À Paris, à Bruxelles ou à Berlin, il y a des dizaines de concerts par soir, et les organisateurs n’ont pas à se soucier du transport ou de ce que fait la concurrence. Ils ont juste à garantir que le concert se passe dans les meilleures conditions possibles pour l’artiste et le public. C’est déjà énorme. josée hansen