Petite musique d'horloge, le genre tic-tac, tic-tic, trois tables, trois chaises, trois sceaux d'eau noirs, trois verres vides, et une couronne en papier. La petite salle baptisée Studio des Capucins avec sa petite scène en coin est remplie et prête à accueillir le Prurit de Frédéric Frenay, mis en espace par Johannes Zametzer.
Ce petit endroit partage son espace avec un esprit bouffe-convivialité d'à côté, le café-théâtre Albert Mousel qui à priori jurait vendredi dernier avec l'esprit du théâtre, mais nous verrons dès les premières minutes de la pièce qu'en fait on hume toujours l'odeur du goulasch, mais on n'entend plus rien. Signe d'une bonne pièce, peut-être ?
Deux hommes (Serge Wolf et Dan Tanson) arrivent rapidement sur scène, l'un derrière l'autre, à la manière pressée d'Alice au pays des merveilles. C'est la musique qui amène à ce genre de rapprochement, mais ce n'est pas vraiment drôle. Un troisième homme haletant et visiblement en retard, c'est Joshua, incarné par Jean-François Wolff, à l'allure splendide d'un Depardieu.
La pièce débute sur des échanges étranges entre les personnages : Cody : « Qui est l'heureux pouvant s'enorgueillir de la possession d'une couronne cette année. » « Toi », répondent Joshua et Anton d'une voix décidée. On ne sait pas trop, est-ce une parodie ? Une réflexion sur le système monarchique ? Et bien, pas vraiment en fait, au fil des répliques brèves mais incisives, on est confronté à une réflexion certes, mais plus profonde que celle qu'on peut avoir sur un système politique quelconque.
La pièce de Fred Frenay, qui est comédien d'abord (mais pas avant tout), tente de mettre le grappin sur les obsessions humaines et matérialisées. Les trois hommes plus ce triste Salmiak voué à la déchéance physique - aha, surprise en tissu et papier mâché qui confère encore une autre dimension scénique à Prurit et qui casse avec la normalité du jeu des comédiens ! - racontent leurs bouleversements humains par le biais de leurs comportements schizophrènes. Ils organisent des rendez-vous annuels d'intronisation.
Pour ce qui de ces bouleversements humains, il s'agit la plupart du temps de la mort d'un ou des proches. Anton, Cody et Joshua se rencontrent à la mémoire de leur ami, Salmiak, apparemment décédé suite à une maladie de peau, dite banale que certains appellent maladie psychosomatique (donc plus profonde). Son corps est néanmoins conservé par les autres dans un état pitoyable, d'où le titre, Prurit ou l'apologie d'une démangeaison.
En bref et pour mieux cerner le tout, c'est une pièce riche en humour macabre, avec un vocabulaire (riche lui aussi) de multiples croûtes... Un jeu d'acteurs sobre mais juste, un décor tout aussi épuré, et tout ceci dans une mise en scène inventive, rebondissante et bien nette. Un texte profond imbibé d'ironie. Dis donc, ça donnerait presque envie (qui démange) de découvrir ce genre de nouveau théâtre !
Le texte de Prurit ainsi que deux autres pièces de Frédéric Frenay, Les seins de ma mère et Duende Messer sont parus aux éditions Phi, Amphitheater n°57.