« Conzemius war kein ‘studierter’ Ethnologe, sondern hat seine umfassenden Kenntnisse durch lange Aufenthalte in Honduras und Nikaragua erworben. »
Götz Freiherr von Houwald,
Deutsches Leben in Nikaragua1
« Dennoch war er ein ‘geborener’ Wissenschaftler, der sich durch Begabung und Fleiß neben seiner Erwerbstätigkeit als Küchengehilfe, Buchhalter, Kassierer und später als unabhängiger Pflanzer und Mahagoni-Holzfäller schließlich einen festen Platz in der Wissenschaft erringen konnte. »
Götz Freiherr von Houwald, Berthold Riese, « Eduard Conzemius », Ortsnamenlexikon der Mosquito-Küste2
Dans le courant de l’année 1916, un jeune Luxembourgeois du nom d’Eduard Conzemius (1892-1931) débarque en Amérique centrale. Pendant son séjour de six ans au Honduras et au Nicaragua, ce jeune migrant se met au service d’entreprises étasuniennes ou bien il travaille pour son propre compte. Jusqu’à son retour en Europe en 1922, on ne peut guère prévoir qu’il deviendra à moyen terme un ethnographe internationalement reconnu et apprécié pour ses recherches portant sur les sociétés amérindiennes. En effet, ce fils de paysan qui n’a jamais fréquenté ni lycée ni université, réussit à faire publier ses études par des institutions académiques de renom international, entre autres la prestigieuse « Smithsonian Institution » de Washington.
J’avoue que c’est ce côté « extraordinaire » de la carrière scientifique d’Eduard Conzemius qui m’a incité à étudier sa trajectoire biographique. Une courbe existentielle marquée par des césures et des complexités telles qu’on ne saurait les expliquer par les seuls effets du hasard ou par le soi-disant jeu de circonstances favorables. Cet état de fait constitue à lui seul une raison suffisante pour décrire et analyser les « vies » de cet homme peu connu en dehors du milieu des ethnologues.3
Vies de migrant et d’aventurier-ethnographe
Eduard Conzemius voit le jour le 21 décembre 1892 à Mertzig, village situé à la limite du Gutland et de l’Oesling. Né dans une famille qui compte neuf enfants, Eduard est le fils cadet de Jean-Baptiste Conzemius (1842-1896) et de Marie-Anne Ries (1855-1927), couple appartenant au milieu de la moyenne paysannerie. C’est dans son village natal qu’Eduard Conzemius fréquente l’école primaire. Il poursuit sa formation scolaire au Pensionnat Saint-Joseph de Hachy en région arlonaise avant de revenir au bercail pour prêter main-forte au sein de l’exploitation familiale.
Or, pour cet enfant puîné qui ne peut prétendre à diriger un jour la ferme Conzemius, le travail au sein de la cellule familiale ne saurait être que provisoire. En fait, comme beaucoup de jeunes gens, Eduard Conzemius voit dans l’émigration une alternative à la recherche de meilleures conditions de travail. En compagnie de son frère Victor (1880-1961), Eduard émigre aux États-Unis en mars 1910, à l’âge de dix-sept ans.
À retenir qu’il émigre à un âge où il n’a pas encore atteint la majorité civile, et qu’il ne peut donc quitter définitivement le Luxembourg qu’après avoir obtenu l’autorisation de la part de sa mère, veuve depuis la mort prématurée de son époux en 1896. Or, si la Veuve Conzemius-Ries a acquiescé au départ de son fils cadet pour le « Nouveau Monde », c’est parce qu’il sera accompagné par l’un de ses frères aînés.
Âgé de 30 ans, Victor est certainement d’un grand soutien pour le jeune Edy puisqu’il avait déjà émigré une première fois vers les États-Unis en février 1905. Cinq ans plus tard, lors de son deuxième passage transatlantique, Victor a donc la responsabilité d’accompagner Eduard vers les États-Unis et de le guider durant ses premières expériences tant privées que professionnelles. Les deux frères s’embarquent à Anvers sur le « SS Lapland » de la « Red Star Line » pour atteindre le 21 mars 1910 le centre d’immigration new-yorkais d’Ellis Island. Comme beaucoup de migrants luxembourgeois, les frères Conzemius préfèrent s’installer au « Midwest », où ils trouvent du travail à Chicago.
Comme maint autre immigrant sans qualification spécifique, Eduard Conzemius débute dans le monde du travail américain en bas de l’échelle professionnelle : il trouve un « job » comme aide de cuisine à l’Hôtel Sherman’s. Parvenant ensuite à combiner activités professionnelles et études sous forme de cours du soir – entre autres au YMCA (Young men’s christian association) – il met tout en œuvre pour accéder au monde des cols blancs afin de connaître le plus rapidement possible une promotion sociale, fût-elle modeste.
Ainsi il arrivera à décrocher un poste de comptable auprès de la société James M. Woodcock, où il sera engagé jusqu’en 1915. Dans le courant de la même année, il quitte définitivement Chicago pour la Nouvelle-Orléans où il est employé par la Hibernian Bank, avant de tourner définitivement le dos à l’Amérique du Nord. Si le vécu étasunien d’Eduard Conzemius s’apparente à celui de maint jeune immigrant européen en Amérique du Nord, il en est tout autrement pour son expérience en terre centraméricaine. En effet, c’est au Honduras et au Nicaragua qu’il connaîtra, entre 1916 et 1922, une vie active fort aventureuse qui marquera sa trajectoire biographique de façon déterminante.
Séjournant surtout dans des régions centraméricaines bordant l’Atlantique, Eduard Conzemius travaille tout d’abord pour un établissement bancaire situé dans la ville portuaire honduréenne de La Ceiba. Ensuite, il part au Nicaragua pour s’engager auprès de la compagnie H. E. Fagot General Merchandise and Mining Supplies avant de s’installer à son propre compte comme exploitant agricole et forestier du côté du Río Coco. La trajectoire d’Eduard Conzemius sera d’ailleurs durablement marquée par son séjour dans la région-frontière entre le Honduras et le Nicaragua comme en témoigne son récit de voyage « Von Costa Rica nach Le Havre »:
« […] die Sehnsucht nach Abenteuern trieb mich weg von der Stadt nach dem unerforschten Teile des Landes, und ich zog nach den unwirtlichen Urwäldern der Mosquitoküste. Dort im Stromgebiete des Rio Coco oder Segovia, an der Grenze zwischen Honduras und Nicaragua, in der wildesten und verschriensten Gegend von Mittelamerika ließ ich mich nieder und erwarb die Dienste von den Indianern der verschiedenen Stämme dieses Distriktes, um Mahagonibäume zu fällen. Dieses wertvolle Holz wurde damals sehr gut bezahlt, da es in den Vereinigten Staaten zu Flugmaschinenpropellern verwendet wurde.
Es war dies ein Leben verbunden mit vielen Strapazen und Gefahren, aber nicht ohne seine Freuden, und die zwei Jahre die ich fern von der sogenannten Zivilisation unter diesen freien, gutmütigen und treuen Naturmenschen verbrachte, muss ich als die glücklichsten meines Lebens schätzen. Mit dem Sturze des Mahagonipreises infolge Beendigung des Weltkrieges zog ich wieder weiter […]. » 4
C’est donc dans la « Selva » bordant le Río Coco et les côtes atlantiques du Honduras et du Nicaragua qu’Eduard Conzemius fait plus amplement connaissance avec les peuples autochtones. Afin d’assurer ses travaux forestiers, consistant dans l’abattage d’acajous, il recrute essentiellement de la main-d’œuvre parmi les ethnies locales. Malgré son statut de « Gringo », en dépit de sa position dominatrice en tant que patron, il semble avoir développé une profonde empathie pour ses ouvriers amérindiens pour les avoir côtoyés lors de longs et éprouvants travaux forestiers.
Ainsi il commence à s’intéresser de façon plus systématique à tout ce qui touche aux cultures amérindiennes d’Amérique centrale pour découvrir finalement son intérêt pour l’ethnologie. Il profite de ses longs passages dans la « Moskitia » et sur la Costa Caribe pour recueillir une abondante documentation concernant les peuples Paya, Miskito, Sumu et Rama. Ce travail de collecte de données ethnographiques est d’autant plus étonnant qu’il est réalisé par un pur autodidacte.
Par la suite, tout en continuant ses recherches ethnographiques, Eduard Conzemius poursuit entre 1919 et 1921 son parcours professionnel en œuvrant pour le compte de compagnies étasuniennes, dont notamment la Truxillo Railroad Company, une succursale de la toute-puissante United Fruit Company. Telles semblent être les grandes lignes que l’on peut dégager de sa vie en Amérique centrale, ce « Mittelamerika, das mir eine zweite Heimat geworden [ist]. » 5
Or, nonobstant son intérêt grandissant pour les recherches ethnographiques et son goût prononcé pour la vie professionnelle aventureuse, Eduard Conzemius décide de quitter sa nouvelle patrie : « Doch schließlich bemächtigte sich meiner mit unwiderstehlicher Gewalt die Sehnsucht, die Heimat, Familienangehörige und Jugendfreunde wiederzusehen […].6 » Fin mars 1922, il s’embarque dans le port costaricain de Puerto Limon à bord du paquebot néerlandais « Van Rensselaer » pour regagner Mertzig, village qu’il avait quitté à l’âge de dix-sept ans en 1910 pour le retrouver douze ans plus tard comme trentenaire.
Vies d’employé et de « scientifique du dimanche »
Toutefois, après son retour du « Nuevo Mundo », Eduard Conzemius ne passe que les premiers mois à Mertzig. C’est en 1923 qu’il part pour Paris, qui constitue depuis le XIXe siècle l’une des destinations majeures de l’émigration luxembourgeoise sur le continent européen. Il s’y met au service de la banque Lloyds, avant d’être affecté à Cologne où il travaillera pour la filiale de la banque britannique entre septembre 1923 et avril 1925. À partir de cette date, il réintègre définitivement les bureaux du siège parisien. Vivant désormais à Paris, se déplaçant régulièrement au Luxembourg pour rendre visite à sa famille, Eduard Conzemius s’efforce entre 1925 et 1929 à concilier sa vie professionnelle avec ses études ethnographiques qu’il avait commencées en Amérique centrale.
Consacrer sa vie durant des années et à son engagement professionnel et à ses ambitions scientifiques ne fut certainement pas une chose aisée. Travaillant pour le compte d’une banque pour assurer sa vie, vivant de plus en plus une existence parallèle au service de l’ethnographie, Eduard Conzemius connaît certainement des moments, voire des phases où il s’interroge profondément sur ses projets de vie. Et pourtant il arrive à faire éditer ses travaux par les institutions académiques les plus renommées7.
Relevons en premier lieu son étude « Los Indios Payas de Honduras » publiée par la Société des Américanistes de Paris et la publication « Die Rama-Indianer von Nicaragua » dans la Zeitschrift für Ethnologie, journal de la Berliner Gesellschaft für Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte. Notons d’autre part ses travaux « The Jicaques of Honduras » et « Notes on the Miskito and Sumu languages of eastern Nicaragua and Honduras » parus dans le International Journal of American linguistics.
Retenons également sa contribution « Ethnographical notes on the Black Carib (Garif) » dans la revue American anthropologist, et mentionnons finalement ses écrits portant sur le monde insulaire caribéen au large du continent d’Amérique centrale parmi lesquels on peut signaler deux développements thématiques : « Les îles Corn du Nicaragua » et « On the aborigines of the Bay Islands (Honduras) ».
Et comme couronnement, la très huppée Smithsonian Institution de Washington décide d’imprimer son travail majeur, à savoir l’Ethnographical Survey of the Miskito and Sumu Indians of Honduras and Nicaragua ; l’étude sera éditée à titre posthume en 1932. Quel étonnant parcours scientifique pour une personne dont la formation scolaire s’arrête bien avant la fréquentation d’un lycée, voire d’une université. Se pose désormais la question : Comment faut-il expliquer la trajectoire intellectuelle et scientifique d’Eduard Conzemius ?
Malgré sa position marginale par rapport au monde des institutions universitaires et académiques, il a su trouver auprès d’ethnologues et d’anthropologues de renom international les encouragements collégiaux, le soutien scientifique ainsi que les apports d’informations thématiques indispensables afin de réaliser ses études. Ceci est sans doute dû aux contacts qu’il noue et entretient avec les plus grands et prestigieux ethnologues de son temps, entre autres avec le germano-américain Franz Boas (1858-1942), professeur à la Columbia University de New York.
C’est probablement grâce à l’appui de Franz Boas, qui est reconnu jusqu’à nos jours comme l’un des fondateurs de l’ethnologie moderne, que l’ethnographe luxembourgeois réussit à entrer en relation avec d’autres scientifiques d’instituts de recherche étasuniens. Ainsi, il correspond avec des scientifiques du Peabody Museum of American Archaeology and Ethnology de l’université Harvard, comme l’anthropologue Herbert Joseph Spinden (1879-1967), et l’ethnologue et linguiste d’origine autrichienne Rudolph (Rodolfo) Schuller (1873-1932).
Pour faire éditer son œuvre majeure intitulée Ethnographical Survey of the Miskito and Sumu Indians of Honduras and Nicaragua, Eduard Conzemius contacte dans le courant de l’année 1930 l’anthropologue et archéologue Matthew Williams Stirling (1896-1975), qui fut entre autres le responsable du Bureau of American Ethnology de la Smithsonian Institution.
À retenir qu’Eduard Conzemius tisse une partie de ses relations scientifiques avec des collègues tant étasuniens que centraméricains après avoir ré-émigré en Europe. Il importe toutefois de noter qu’en même temps il essaie de prendre contact avec des scientifiques européens, en première ligne avec des collègues allemands et français de renom international. Ceci devrait s’expliquer entre autres par le fait qu’il vit et travaille à Cologne ainsi qu’à Paris, à l’époque où il est au service de la banque Lloyds.
Il correspond ainsi avec des anthropologues et des ethnologues français comme Paul Rivet (1876-1958) et Jacques Émile Yves Soustelle (1912-1990) du Musée d’Ethnographie du Trocadéro à Paris, mais surtout avec des chercheurs allemands. En Allemagne, outre ses relations avec les américanistes Walter Lehmann (1878-1939) et Karl Sapper (1866-1945), il est en relation avec Konrad Theodor Preuss (1869-1938).
L’ethnologue Preuss ne l’encourage pas seulement dans ses travaux de recherche, mais il l’introduit également dans le monde des sociétés savantes et autres cercles académiques ayant pignon sur rue du temps de la République de Weimar. Bref, tout porte à conclure qu’à la fin des années 1920, l’ethnographe autodidacte Eduard Conzemius a réussi à se faire accepter par les ethnologues et anthropologues universitaires.
La fin tragique d’une existence courte mais intense
Est-ce que ce sont les témoignages de reconnaissance et les gestes d’encouragement émanant du monde académique qui conduisent Eduard Conzemius à entreprendre de nouvelles études de terrain en matière ethnographique ? Quoi qu’il en soit, il envisage à la fin de l’année 1929 de quitter le vieux continent dans le courant de l’année suivante.
S’il songe d’abord à regagner l’Amérique centrale, puis à aller en Amérique du Sud, il finit par choisir une tout autre destination, à savoir le « cinquième continent ». Une décision courageuse, mais également risquée, dans la mesure qu’il entend réorienter sa trajectoire professionnelle et intellectuelle à un moment où s’annoncent les premières prémices d’une crise économique redoutable, à savoir la Grande Dépression des années 1930.
En novembre 1930, Eduard Conzemius se rend au Vieux-Port de Marseille. Il s’y embarque pour Sydney où il arrivera le 9 janvier 1931. Même si Eduard Conzemius a cru pouvoir compter sur une promesse d’engagement de la part d’une société australienne, il ne sera pourtant pas embauché à son arrivée en Australie. En effet, depuis l’année 1930, les entreprises du « cinquième continent » sont également touchées par la crise économique mondiale.
Eduard Conzemius se résout donc à quitter l’Australie pour tenter sa chance professionnelle en Nouvelle-Guinée. Fin février 1931, il monte à bord du navire « Morinda » qui l’amènera de Sydney à Port Moresby. En Nouvelle-Guinée, il compte se lancer dans l’exploitation de champs aurifères. Si ce projet correspond certainement à son esprit aventurier, il importe toutefois de souligner qu’il entend mener en même temps des études ethnographiques auprès des peuples indigènes. En effet, la Nouvelle-Guinée et les archipels environnants constituent à cette époque pour le monde des ethnologues universitaires une cible géographique majeure.
Or, Eduard Conzemius n’aura malheureusement pas la possibilité de mettre en œuvre ses projets anthropologiques puisque, quelques mois après son arrivée en Nouvelle-Guinée, il succombe à une crise de paludisme. Eduard Conzemius meurt le 25 août 1931 à l’âge de trente-huit ans. Il aura donc connu une existence courte, mais somme toute bien riche et bien remplie.
Biographie et histoire globale – À propos des vies d’Eduard Conzemius
Que retenir d’un Eduard Conzemius qui a été fauché dans la force de l’âge ? Le migrant mobile aux multiples métiers ? L’aventurier de la « Selva » centraméricaine et de la forêt tropicale néo-guinéenne ? L’ethnographe autodidacte et ses publications dans des revues spécialisées de renom ?
En fait, toutes ces caractéristiques se rapportant à Eduard Conzemius nous permettent d’appréhender la complexité de son existence sous forme du concept de « vies ». S’il convient d’ailleurs de retenir un trait dominant de sa trajectoire biographique, c’est que ses « vies » sont constituées par autant de moments de césure que de points de bifurcation. En d’autres termes, les « vies » du natif de Mertzig ne se résument point à une trame linéaire.
Faut-il pourtant entrevoir dans les « vies complexes » d’Eduard Conzemius une entité biographique « hors normes » ? Exceptionnelle, certes, mais bien ancrée dans son temps historique ! Ainsi son départ vers les États-Unis se situe dans le contexte des flux d’émigrations luxembourgeoises vers l’Amérique du Nord depuis les années 1830. Ses séjours à Paris et à Cologne s’ancrent également dans les flux migratoires à caractère régional et transnational que connaît le Luxembourg depuis le début du XIXe siècle.
Pour ce qui est des séjours d’Eduard Conzemius en Amérique centrale ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Guinée, pour exotiques qu’ils puissent paraître de prime abord, ils s’inscrivent essentiellement dans le cadre des dynamiques tant impérialistes que post-colonialistes qu’entretiennent respectivement les États-Unis en Amérique centrale et la Grande-Bretagne aux Antipodes. Bref, la trajectoire biographique d’Eduard Conzemius ne saurait s’expliquer sans les contextes socio-économiques et politiques globalisants du premier tiers du XXe siècle. D’ailleurs, il ne saurait en être autrement de son œuvre ethnographique qui fait partie intégrante de ses « vies ».
Axées sur les ethnies amérindiennes, et plus particulièrement sur celles du Honduras et du Nicaragua, les études d’Eduard Conzemius relèvent d’une culture ethnologique que les chercheurs nord-américains et européens ont appliquée en Amérique centrale. En d’autres termes, l’on ne saurait appréhender le travail ethnographique de l’autodidacte luxembourgeois sans faire référence à une discipline académique largement tributaire d’un ordre mondial dominé par les mondes impérialiste et colonialiste.
Toutefois, il importe de souligner que les travaux ethnographiques d’Eduard Conzemius continuent de constituer une référence scientifique pour les anthropologues universitaires tant européens qu’étasuniens et latino-américains, et ceci jusqu’à nos jours.
Pour preuve, mentionnons également les deux traductions en espagnol de son « opus magnum » qu’est le Ethnographical Survey of the Miskito and Sumu Indians of Honduras and Nicaragua. Ces deux éditions furent traduites et éditées d’abord au Costa Rica en 1984, puis au Nicaragua en 2004. Nous les devons à l’un des intellectuels nicaraguayens de renom international, à savoir Jaime Incer Barquero (*1934)8.
Celui-ci a participé tout récemment à l’édition d’un recueil scientifique intitulé Eduard Conzemius : Estudios etnológicos y lingüísticos sobre el Caribe centroaméricano9. Édité par l’Academia de Geografía e Historia de Nicaragua avec l’appui de l’ambassade du Grand-Duché de Luxembourg au Nicaragua, l’ouvrage comprend quatre études majeures que l’ethnographe luxembourgeois avait consacrées aux ethnies amérindiennes du Nicaragua. À signaler que trois de ces travaux sont publiés pour la première fois en langue espagnole sous les titres suivants : « Las tribus indígenas de la Costa de los Mosquitos », « Las Islas del Maíz de Nicaragua » et « Los Indios Rama de Nicaragua ».
Ne devrait-on pas reconnaître dans ces quelques exemples référentiels un signe tangible que les ethnologues et autres anthropologues américanistes professionnels continuent d’apprécier l’œuvre ethnographique d’Eduard Conzemius. Cet érudit-citoyen du monde, né à Mertzig il y a tout juste 125 ans.