Le titre de l’exposition que l’on visite dans la galerie au Grund, This is not what it seems, peut paraître étrange, alors qu’il s’agit d’art pour une part figuratif, pour l’autre abstrait et de collages. Des peintures qui racontent quelque chose, mais c’est comme si toujours, il fallait faire référence à l’histoire de l’art occidental – à Magritte pour le titre, Soulage pour un noir profond, le cubisme pour les assemblages, l’abstraction, etc.
La liste peut être très longue et nous passerons outre. Derrière le langage de ces peintres issus de la culture afro-américaine et maintenant africaine, comme Zidoun-Bossuyt a pris l’habitude d’en montrer depuis quelque temps, se cachent des messages inhérents à des situations spécifiques. Naturellement, chaque visiteur a ses références en tête et l’homme à la guitare de Mike Lee ou la femme langoureusement allongée à côté (Goodwife), feront venir en tête des situations peut-être vécues personnellement. La lumière, c’est là la force de ce jeune Californien qui vit et travaille à New York (Mike Lee est né en 1983 à Los Angeles). Ce qui rend ses personnages vivants – il a travaillé dans l’industrie du film – c’est l’éclairage des formes stylisées et l’irisation des tons blanc, noir et gris. Leur matérialité physique est quasi palpable.
En face, un grand carré est recouvert de morceaux de tissu synthétique blanc, cousus ensemble et distendus par endroits, froncés ou relâchés. Ils composent un patchwork abstrait et personne ne devinerait que Anthony Olubunmi Akinbola, trente ans, qui lui aussi vit à New York dans le quartier de Brooklyn, évoque avec ces tissus, comme un peu plus loin sur un très grand rectangle entièrement noir cette fois, l’imposition aux femmes esclaves, dans son Missouri natal, de couvrir leurs cheveux : le titre Camouflage seul peut trahir cette pratique.
Assembler. Tel est aussi le langage pictural de Neo Matloga. Il n’est pas américain, mais né en Afrique du Sud en 1983 et vit en Europe, à Amsterdam. Neo Matloga propose un diptyque fait d’un rectangle et d’un carré juxtaposés pour former ce qui est néanmoins une toile unique, car les bras du couple représenté joignent les deux formes géométriques. C’est tout ce que son travail a de formellement rigoureux. Que ce soit de par la représentation figurative ou la technique mixte : peinture, fusain et collages. Dans cette scène d’intérieur intimiste d’enlacement, Neo Matloga a utilisé des détails corporels photographiques de personnes qui lui sont familières. C’est la représentation dans des tons noir, blanc et gris, comme un vieux cauchemar récurrent, d’une situation de précarité et de peur à l’époque de l‘Apartheid.
C’est à même la peau du papier cette fois, que Nate Lewis – il a étudié la médecine – travaille par grattage, incises, frottage, une image imprimée au jet d’encre sur carton. Cette étrange représentation de corps suggérés (Dissonance in the Valley) – on ne sait pas s’ils flottent dans l’eau, sont en lévitation en l’air ou démantibulés, de cet Américain né en 1985 qui vit et travaille à New York. La poésie et la finesse du travail qui pourrait faire croire qu’on a devant soi une tapisserie, sont très éloignés des portraits francs de Eniwaye Oluwaseyi de jeunes femmes noires, l’air épanoui, dans des environnements aux couleurs franches et éclatantes. Né en 1994 au Nigéria, le jeune peintre – autodidacte, il a choisi ce moyen d’expression seulement en 2018, alors qu’il est ingénieur agronome de formation - à travers ces scènes du quotidien, se veut porteur d’un message d’espoir et d’optimisme, malgré la difficulté de vivre dans son pays, par exemple pour les homosexuels. C’est peut-être le message caché de This isn’t what it seems ?