Ça y va du tac-au-tac. Depuis un mois, les critiques de la politique culturelle du gouvernement Bettel/ Schneider/ Braz fusent de toutes parts. Les administrateurs de structures culturelles furent d’abord déçus de ne pas déceler de véritable vision d’avenir dans les décisions que la ministre Maggy Nagel (DP) a prises en un an. Aujourd’hui, ils sont furieux et se sentent trahis par une majorité qui se voulait « moderne » et promettait de faire mieux que ses prédécesseurs. Le plus flagrant est que les critiques les plus acerbes viennent d’éminents membres d’un des partis de la majorité : aussi bien Robert Garcia, le directeur du Carré Rotondes (« J’en ai ras-le-bol » dit-il la semaine dernière au Woxx), que Christian Kmiotek, le président de la Theaterfederatioun (« Das Ministerium ist eine Blackbox » expliqua-t-il au Tageblatt), eurent ou revêtent encore des fonctions importantes au parti (le premier fut membre-fondateur et longtemps député, le second est président du parti).
Faire un pas en arrière et regarder le paysage en ruines. Que s’est-il passé ? Maggy Nagel promit plus de transparence, publia les chiffres des conventions et des subsides que chacun reçut en 2013 et tout le monde applaudit son « courage ». Puis elle résilia toutes les conventions des porteurs de projets, promettant une remise à plat sur base de questionnaires d’auto-évaluation. Mais, c’était prévisible, l’administration a du mal à assurer le suivi des dossiers et à proposer les nouvelles conventions pour le 1er janvier. Les associations se retrouvent donc dans l’insécurité la plus totale quant à leurs dotations et subventionnements pour 2015, ignorant comment payer les salaires à partir d’aujourd’hui et comment garantir la programmation. La ministre n’a pas essayé de calmer le jeu avec un message clair, qu’elle avait pourtant laissé percevoir à plusieurs reprises : pour 2015 seraient garanties les mêmes sommes qu’en 2014 et par la suite, on verrait. Sans communication, la nervosité est à son climax.
En réalité, Maggy Nagel fut surtout la championne des décisions radicales… avortées : On fusionne le Mudam et le Casino pour faire des économies – et puis non. On ferme le Musée Dräi Eechelen en hiver – et puis non. Le congé culturel est aboli – mais en même temps, la ministre promet qu’il sera réintroduit sous une autre forme. Puis il y a les décisions irrévocables : Le budget d’acquisition du Mudam a été désaffecté en toute discrétion avec la loi budgétaire, le Carré Rotondes reçoit trop peu de budget pour pouvoir programmer décemment dans ses nouveaux locaux à Bonnevoie, le un pour cent culturel est limité à 500 000 euros, l’Institut d’histoire du temps présent et le plan de développement culturel sont remis aux calendes grecques, l’exposition sur la Première Guerre mondiale annulée. Dans aucun des cas, une quelconque concertation n’a eu lieu en amont. Épargnant Maggy Nagel, les critiques s’accordent à dire que le véritable malaise serait celui d’une administration à la dérive, dont le supérieur hiérarchique, Bob Krieps, serait dépassé.
Mais ce serait ignorer que, derrière tout ça, il y a une ligne politique claire : la mission du gouvernement est de réduire les dépenses et Maggy Nagel le fait avec une conséquence radicale. En 2015, le budget culturel, faut-il le rappeler, tombe sous la barre mythique d’un pour cent du budget de l’État (il n’est plus que de 0,89 pour cent). Or, l’hostilité à la culture n’est pas propre au Luxembourg : en ces temps d’austérité budgétaire, les gouvernements des pays voisins, notamment français et belges, font également des coupes extrêmement violentes dans les budgets culturels. Des ensembles de théâtre et des centres d’art ferment, des orchestres disparaissent, des festivals sont raccourcis… Et au final, ce sont toujours les artistes et le public qui sont pénalisés. Peut-être que cette époque du désenchantement sera aussi celle de la (re)naissance d’une nouvelle contre-culture.