Eigenheim est une exposition sur l’habiter. C’est aussi une exposition collective. Sept artistes (si on inclut le collectif Atelier Van Lieshout, dont les œuvres sont les plus anciennes et précurseur) exposent actuellement à la galerie Krome. Quand on ajoute que le commissaire de l’exposition est Christian Mosar, qui travaille depuis des années à explorer les relations des Luxembourgeois à l’habitat, on ne peut que s’attendre à des interrogations multiples sur l’architecture et aussi, entre l’architecture et l’art.
« Eigenheim »… Il est difficile de trouver l’équivalent français en un seul mot pour cette expression allemande qui comme « Heimat », résume si bien le « comme chez soi » et « l’entre soi ». Dès l’entrée, on se heurte visuellement à une des pièces maîtresses de l’exposition, symbolique du concept développé par Christian Mosar dans le choix des artistes et des œuvres exposées : In Between de Serge Ecker occupe l’espace et le centre de l’exposition. C’est, transposé en métal poli, un de ces éléments de frontière, dissuasif et agressif. L’autre invitée luxembourgeoise de l’exposition est Chantal Maquet. On verra d’elle plusieurs peintures. Ça fleure le sud, avec des maisonnettes colorées, bricolées. Mais à y regarder de plus près, chacune d’elles, même alignées sur une rue, reflètent l’individualisme de ses habitants par les couleurs différenciées des façades. Jolis aussi se dit-on au premier coup d’œil, ces éléments en fer forgé ouvragé qui ornent les fenêtres. Mais alors, on réalise qu’elles empêchent les infractions, tout comme les portillons les indésirables et que ces maisons, qui datent d’un temps avant le collectivisme, sont les palais d’aujourd’hui des habitants d’une île caraïbe en voie d’individualisation.
Le mode de vie communiste, serait-il plus liant ? L’Allemande Andrea Pichl a été chercher dans le catalogue du futur vanté pour un quartier neuf de Saxen-Anhalt des années 1970, construit d’un trait pour 20 000 habitants. Une affiche (ici imprimée sur tissu comme s’il s’agissait d’une relique précieuse), énumère les services et facilités qu’offrira cette cité radieuse. Mais des photos actuelles montrent les éléments préfabriqués des façades défraîchis et la dalle du supermarché est tout ce qu’on abhorre, sauf chez nous peut-être ?
Christian Mosar provoque encore le visiteur luxembourgeois de l’exposition en l’invitant à s’essuyer les pieds sur une carpette (toujours d’Andrea Pichl), mais c’est celle de la Villa Göring, tandis qu’un graffiti sur une palissade de l’Alexanderplatz, l’ancienne grand place de Berlin-Est, également en tapis plain, est accroché au mur et encadré tel un tableau. Il prend donc ipso facto valeur d’œuvre d’art… L’artiste force encore l’interrogation devant de minuscules pavillons mis en scène sur un socle de granit à valeur de piédestal, devant une grande photo d’un immeuble collectif en brique rouge.
C’est un des vis-à-vis, esthétique, réussis de l’exposition. Ou tout du moins facile à comprendre car narratif comme cette photographie d’une tente (par essence abri de fortune) mise côte à côte avec des vêtements de pluie (Guillaume Greff). Une peinture de Tim Trantenroth représentant l’entrée de parking de l’immeuble Springer ne voisine pas directement avec les nombreuses paraboles installées sur les terrasses qui reçoivent l’information uniformisante dans les foyers pourtant voisins d’un immeuble collectif.
Mais c’est aussi la force d’Eigenheim de ne pas toujours donner des clés d’interprétation directes, comme avec ce motif de parquet en paille sur contreplaqué d’Olaf Holzapfel, qui est par ailleurs un artiste star de l’actuelle Documenta. On est après tout ici, dans une exposition d’art. La galerie Krome s’est ainsi prêtée à l’exercice de marchand d’art doublé du questionnement si actuel en général et luxembourgeois en particulier du comment vivre. Ensemble ou séparés ? Le propos est politique.