Maserati essaie de se démocratiser

Le style italien (plus) accessible

d'Lëtzebuerger Land vom 22.01.2016

Elle est aussi bleue que la Ferrari est rouge : d’un bleu affirmatif, fier, tirant vers l’outremer. La Maserati classique est la GranTurismo bleue, de préférence en coupé sport, digne successeure de la mythique GT3500 qui surgit en 1957. Avec ce modèle, présenté en 2007, Maserati se positionne sur le segment des supercars, comme les Porsche. Ferrari, Aston Martin, un luxe que l’on s’offre à 125 000 euros. Il s’en est vendu sept en 2015 au Luxembourg.

« Mais aujourd’hui, on ne doit plus forcément acheter une Maserati en troisième ou quatrième voiture », affirme Francesco Loperfido, vendeur de Maserati au garage Intini à Bertrange. « Aujourd’hui, il y a de plus en plus de gens qui achètent une Maserati en voiture principale, souvent même en voiture de service ». Cette démocratisation, la firme plus que centenaire la doit à la conjonction d’un coup de marketing et d’une rationalisation dans la production, qui font que, désormais, on a déjà une Maserati à 60 000 euros et quelques. Le miracle s’appelle Ghibli III, est sorti en 2013 et existe même en automatique et en diesel.

Dans le showroom à Bertrange, les modèles sont alignés côté à côté pour intéresser les visiteurs du Salon automobile – et la Ghibli est la mieux représentée, car la plus populaire actuellement. En 2015, il s’en est vendu 69, sur un total de 85 Maserati au Luxembourg. Héritière de la Ghibli des années 1960, alors concurrente de la Ferrari Daytona et de la Lamborghini Miura, fières voitures de sport d’avant l’époque du tout sécuritaire, la Ghibli III s’est adaptée au design du XXIe siècle, avec néanmoins toujours cette élégance italienne qu’aucune marque allemande ou française n’arrivera à concurrencer. Quand Maserati parle intérieur personnalisable, il s’agit d’intérieurs fabriqués chez Poltrona Frau (connu de l’ameublement de luxe) ou Ermenegildo Zegna (connu de la mode), quand elle parle d’équipement audio, il s’agit de Bowers & Wilkins – que du haut de gamme.

La saga de Maserati est faite de hauts et de bas, de succès sportifs et commerciaux et de quasi-faillites. Il y a cette belle histoire de quatre frères Maserati, qui, en 1914, fondèrent le garage Maserati Alfieri (d’après le prénom de l’aîné des frères) à Bologne afin d’y préparer des voitures de sport. Comme emblème, ils choisirent le trident de ce Neptune qui orne la fontaine du XVIe siècle sur la place éponyme de leur ville natale – dont la couleur est ce bleu qu’ils adopteront comme couleur fétiche de leurs voitures. De nombreuses voitures célèbres pour leur design, un titre de champion de F1 grâce à Juan Manuel Fangio en 1957 et la première femme à participer à une course de formule 1 (Marie Teresa de Filipis en 1958 sur une 250F) plus tard, Maserati bat de l’aile et passe de main en main. Jusqu’à ce que Fiat rachète la marque en 1993. Elle fait donc désormais partie du même groupe FCA (Fiat Chrysler Automobile) qu’Alfa Romeo, Jeep, Fiat, Chrysler et... Ferrari, sa concurrente directe sur le segment des voitures de sport de grand luxe. Or, ce n’est que grâce à ces synergies à l’intérieur du groupe que des rationalisations de la production de certains de ses éléments de construction est devenue possible, entraînant cette spectaculaire baisse des prix qui permet le repositionnement de Maserati. En 2013, suite au lancement de la Ghibli, les ventes ont explosé de 148 pour cent en Europe, Maserati produisait cette année-là quelque 20 000 voitures par an. Une 4x4 est attendue pour le début de l’année, devant permettre de conquérir aussi une clientèle délaissée jusque-là.

Aujourd’hui, Maserati joue à fond la carte de l’élitisme, de l’élégance italienne et de la puissance. Il y a une Quattroporte, sa berline de grand tourisme qui en est à sa sixième génération, à 530 chevaux, huit cylindres, 3,8 litres, qui affiche plus de 300 kilomètres/ heure. Une Maserati serait, promettaient les publicités sur son stand à la foire de Bruxelles, une voiture pour une clientèle qui cherche « the absolute opposite of the ordinary ». Un autre dépliant invite le client à « oser » la « transgression ». Ou : pourquoi toujours acheter des BMW série 5, Mercedes classe E, Audi A6 ou Jaguar XF – si on peut se démarquer avec une voiture aussi stylée qu’une Maserati ?

josée hansen
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