Continuer. Comprendre. Effacer. Faire le deuil. C'est l'histoire d'un fait divers qui peut sembler banal. Un accident de plongée sous-marine, dans les calanques de la Côte d'Azur. Dix personnes qui descendent en expédition sous-marine, mais seulement sept qui remontent. Rien d'extraordinaire, vu de loin, des faits divers comme il y en a des dizaines dans les petites colonnes des journaux. Cet accident, Isabelle Bonillo pourtant l'a vécu de beaucoup plus près, elle y a perdu sa meilleure amie et n'a pas compris, n'a pas accepté ce qui s'est passé. Isabelle Bonillo, actrice, musicienne, catcheuse, metteur en scène est l'auteure/ conteuse de Nous ne jouerons plus. Qui raconte sa douleur, sa quête de la vérité, de vouloir comprendre comment une excursion aussi banale a pu se terminer en drame, pourquoi les secours ne sont pas arrivés à temps, comment « une fâcheuse conjoncture de circonstances » a pu lui voler son amie.
En cela, la pièce - sa première tentative d'écriture - est née d'un besoin thérapeutqique en quelque sorte, elle est une soupape, un réceptacle pour son chagrin. Cela peut sembler un rien ésotérique et difficile d'accès pour des tiers. Mais parce que Isabelle Bonillo est une artiste très complète, une actrice exceptionnelle, elle arrive à tendre la main au spectateur, à le toucher. Durant les quelque cinquante minutes que dure le spectacle, elle est seule en scène, sans décor, tout de noir vêtue, munie seulement de lumière(s), artificielle, naturelle, et de papier. Et par son jeu très physique, aussi riche que nuancé, par sa maîtrise d'un texte qu'elle n'a pas besoin de faire sien parce qu'il l'est déjà, Isabelle Bonillo nous emmène en voyage, à la quête de cette femme disparue, dans la grotte où elle mourut dans une bulle de gaz carbonique en se reprochant d'avoir voulu s'effacer, d'avoir fait une déprime avant les vacances.
Nous ne jouerons plus est une réelle mise à nu, où on en apprend au moins autant sur l'auteure/actrice que sur l'accident, et, en filigrane, les vacances, la Suisse où elle est née et où elle vit, le sud de la France avec son racisme sous-jacent. Et elle a su doser les effets, jouer avec le mots, l'espace, le sens, même faire de l'humour, pour décoincer. Une soirée intensive et touchante de sincérité, sur la corde raide « entre grand rêve et grand cauchemar » comme elle le définissait si bien elle-même.
Nous ne jouerons plus, de, avec et par Isabelle Bonillo, sera encore joué au Théâtre du Centaure / Am Dierfgen ce soir, demain et le 5 avril à 20 heures ainsi que dimanche 2 avril à 18h30 ; puis à la Kulturfabrik à Esch les 7 et 8 avril prochains. Téléphone pour réservations à Luxembourg : 22 28 28 ; à Esch : 55 88 26.