Netflix a fait jouer ses muscles ces derniers jours. Un bond de quelque quatre millions du nombre de ses abonnés a fait flamber son cours en bourse. Parmi les internautes amateurs de films et de séries, c’est une autre nouvelle annoncée par Netflix qui a provoqué l’émoi : celle que le géant de la vidéo à la demande allait désormais bloquer les dispositifs utilisés par une trentaine de millions d’internautes abonnés pour accéder, quelle que soit leur localisation, à l’ensemble de son catalogue.Né aux États-Unis, mais présent désormais dans 190 pays et revendiquant 75 millions d’abonnés, Netflix a fortement régionalisé son offre, en fonction certes des intérêts nationaux ou régionaux de ses abonnés, mais surtout des accords passés avec les ayant-droits des films et séries, qui continuent de déployer leur production suivant de savantes séquences géographiques. Alors que dans le monde, Netflix gère quelque 14 000 films et séries, l’offre est considérablement plus réduite dans les différents pays. Aux États-Unis, où se trouve toujours le plus grand nombre de ses abonnés, il y a un peu plus de 6 000 titres, tandis que le catalogue varie entre quelque 1 600 et 3 500 dans les autres pays. Selon un palmarès publié en septembre dernier, le Luxembourg fait partie des parents pauvres avec près de 1 650 titres.
Depuis que Netflix a commencé son expansion internationale et qu’existent ses catalogues différenciés, une partie de ses abonnés ont cherché à circonvenir ces limitations géographiques en utilisant diverses astuces pour tromper les serveurs du groupe créé par Reed Hastings. Certains de ses services sont payants, d’autres sont gratuits. Ils créent des VPN (Virtual private networks) ou utilisent d’autres techniques pour « spoofer » l’adresse IP de l’abonné. Une des applications populaires de ce type est Unblock-Us, qui propose un service payant : il en coûte 4,99 dollars par mois, en plus de l’abonnement Netflix, pour accéder à l’ensemble du catalogue. Unblock-us propose d’ailleurs aussi de débloquer d’autres services de vidéo ou de radio à la demande, comme Hulu ou Spotify. Une autre application, Smartflix, apparue depuis peu, est gratuite pour l’instant et devrait coûter ultérieurement 7,99 dollars pour une utilisation indéfinie.
Des groupes d’amateurs à travers le monde recensent et tiennent à jour les différents catalogues de Netflix ; c’est sur ces catalogues, publiés sur le Web, que s’appuient les différentes solutions de déblocage. À vrai dire, l’indifférence dont faisait preuve jusqu’ici Netflix face à ces parasites étonnait. L’explication la plus communément avancée est qu’elle y trouvait son compte puisque ces méthodes, quoique contraires à ses règles, lui permettaient de retenir ceux de ses abonnés qui se trouvaient soit dans des pays non encore couverts, soit à l’étroit dans leur catalogue régional. L’exemple le plus frappant étant la série phare de Netflix, House of Cards, qui n’a pas été proposée dans certains pays européens, ou du moins pas dès son lancement.
Qu’est-ce qui aura fait changer Netflix d’avis ? Sont-ce les studios et chaînes de télévision détenteurs de droits qui ont commencé à faire pression de manière plus conséquente, avec des mesures de rétorsion à la clé en cas d’inaction ? Ou bien est-ce le fait qu’ayant pratiquement couvert le globe, et n’étant apparemment pas pressé d’investir le dernier grand marché qui lui échappe, la Chine, Netflix n’estime plus nécessaire de tolérer ces parasites qui lui servaient notamment à atteindre les pays où, faute d’accords, il n’était pas encore présent ?
Reste à voir à quel point Netflix va effectivement réussir à inhiber les débloqueurs géographiques. L’entreprise va mettre en place des « black lists » d’adresses dont l’utilisation interrompra le service et devra faire preuve d’une grande agilité technique pour parvenir à garder une longueur d’avance dans ce qui s’annonce déjà comme un jeu du chat et de la souris entre ses équipes et les hackers avides de relever le défi de continuer à débloquer les limitations géographiques de Netflix.