Après les joies du télétravail, après les réjouissances du homeschooling, se profilent les délices des vacances à la maison. On en attend encore la dénomination officielle, entre coronacamping, Vakanz doheem et home-holidays. Vous aviez toujours juré qu’il faudrait qu’on vous paie avant d’envisager planter votre tente au Campingplatz Mamer, avec sa vue imprenable sur le pont de l’autoroute A6, ça tombe bien, c’est chose faite. Avec les 50 euros par personne de plus de seize ans offerts par le gouvernement, vous pourrez y passer une petite semaine.
Le tour du monde à domicile présente des avantages encore supérieurs à l’école à domicile ou au travail à domicile. Pour ces derniers, en effet, vous deviez combiner les activités, partager votre temps, votre connexion Internet. Ici, oubliez les réunions de classe via Teams qui tombent toujours au même moment que les réunions de travail via Zoom. Personne ne vous force à faire semblant que tout est génial, ni à rester collés à votre écran, vous allez pouvoir vous dédier à cent pour cent au repos. De vraies vacances, sans injonction à devoir faire les plus beaux selfies, envoyer des cartes postales à vos proches ou lutter contre un environnement étranger qui vous voit comme une cible de maladies tropicales et arnaques touristiques, portefeuille ambulant ou envahisseur irrespectueux.
Premier avantage : pas besoin de faire sa valise. Soyons honnêtes, cela fait bientôt trois mois que vous pratiquez le combo T-shirt, bermudas et tongs. Les congés ne devraient pas constituer l’occasion d’un grand chamboulement vestimentaire. Rappelez-vous le monde d’avant, si vous n’aviez pas frisé le divorce en consultant le catalogue Luxair, si vous n’aviez pas risqué l’incident diplomatique devant l’agence de location de voitures, vous aviez de maigres chances d’échapper à la scène de ménage bien sanglante, avec ralentis à la Scorsese et dialogues à la Tarantino, au moment de défaire les valises dans la chambre d’hôtel, pile au moment où votre conjoint s’apercevait que, non, vous n’aviez pas emporté la pile de vêtements qui attendaient pourtant exprès sur la commode. Et, encore, ça, c’était dans l’hypothèse heureuse où tous vos bagages avaient pris le même avion que vous. Ceux qui ont passé deux semaines dans le grand Nord Canadien pendant que leurs pulls polaires parcouraient tous les aéroports d’Amérique centrale à la recherche de leur propriétaire voient sans doute de quoi il est question.
Second avantage : vous allez faire des économies et améliorer votre bilan carbone. Certes, l’avenue de la Liberté c’est moins glamour que la Statue de la Liberté, mais, d’un autre côté, boire un Manhattan à la terrasse d’un café vous coûtera moins cher qu’un café sur une terrasse à Manhattan. Oubliez les billets hors de prix pour un musée dont vos enfants voudront sortir au bout de la première salle d’exposition. En une semaine, vous pouvez faire le tour du monde en 80 heures, sans perdre un jour à l’aller et un jour au retour dans les aéroports et les avions. Le jour du safari au Kenya, plutôt que de regarder Our Planet sur Netflix confortablement installé dans le canapé, jouez le grand jeu : la veille, rallumez le chauffage à fond, levez-vous à six heures du matin, enfilez un chapeau, mettez la crème solaire et, après seulement, allumez la télé. À midi, poulet au coco, puis on enchaîne sur Out of Africa. Le lendemain, vous pouvez passer une journée au Japon, en enchaînant visite virtuelle du Tokyo National Museum sur Google Arts & Culture, Voyage de Chihiro ou Battle Royale en VO sous-titrée, plateau sushi puis séance vidéo sur les matches de sumo : règles, culture, et quelques combats avant de finir avec un tournoi de Mario Kart en famille.
Troisième avantage : vous allez relancer l’économie locale en faisant un tour dans l’Eifel plutôt que sur la Tour Eiffel, en prenant la route de Saeul plutôt que celle de Séoul. Côté météo, en partant dans le Nord du pays, vous êtes quasiment certains d’éviter la marque de bronzage qui, cette année, ne sera pas celle des bretelles du maillot de bain sur les épaules mais celle du masque en pleine figure. Et puis, surtout, quelle meilleure occasion que quelques jours de camping dans l’Éisleck pour terminer de consommer votre énorme stock de rouleaux de papier toilette, de boîtes de conserve et de paquets de pâtes !