Prends ça Bertelsmann ! Alors qu'une première plainte liée à l'opération d'échange de titres RTL Group entre le Groupe Bruxelles Lambert (GBL) et le géant allemand attend toujours son jugement, Investas annonce le lancement d'une deuxième procédure judiciaire. L'association luxembourgeoise des actionnaires privés vise cette fois-ci de forcer Bertelsmann à garantir un flottant d'au moins quinze pour cent des actions RTL Group. Aujourd'hui, quelque neuf pour cent des titres sont distribués dans le public, les Allemands contrôlant plus de 90 pour cent.
Investas, soutenu par ses membres collectifs Audiolux et BGL Investment Partners, avait en fait annoncé dès avril - après que Bertelsmann ait abandonné ses projets d'OPA sur RTL Group - son intention d'exiger un free float de quinze pour cent. Il a donc fallu patienter avant que cela ne se concrétise. Le contexte par contre n'a pas fini d'évoluer ces derniers mois.
Une première nouvelle encourageante pour Investas est venue en juin de la CSSF. Bertelsmann avait expliqué dans le prospectus d'émission de RTL Group, en 2000, vouloir augmenter le flottant en Bourse. Héritière du Commissariat à la Bourse, la Commission de surveillance avait dans une première phase néanmoins estimé manquer de pouvoirs pour forcer la main à Bertelsmann.
Or, interpellée par Investas, la CSSF a depuis révisé son opinion (lire d'Land du 26 juin 2002), estimant "que les actionnaires de référence de RTL Group se sont engagés d'augmenter la circulation dans le public de titres RTL Group de 11,2 à 15 pour cent". La Commission ne se réfère toutefois pas au prospectus mais au protocole d'accord signé avant la fusion entre les trois grands actionnaires et le gouvernement luxembourgeois. La promesse de free-float y est en effet répétée, mais seulement au préambule.
La décision d'ester en justice d'Investas intervient par ailleurs alors que Bertelsmann subit un revirement stratégique de taille. Depuis le remplacement de Thomas Middelhoff à la tête du groupe par Günther Thielen, les discours et décisions de ce dernier indiquent que le groupe allemand retournera à sa politique traditionnelle de grande autonomie de ses filiales. S'y ajoute que l'entrée en Bourse de Bertelsmann, prévue dans le cadre de la reprise par GBL de 25 pour cent du capital, est remise en cause - même si officiellement, elle reste toujours à l'ordre du jour.
Or, si Bertelsmann ne finance plus son expansion future par une levée de capitaux en Bourse, il reviendra aux filiales de se financer elles-mêmes. Une augmentation du flottant de RTL Group, en vendant des actions existantes ou en augmentant son capital, pourrait donc même arranger Bertelsmann.
Investas semble espérer qu'un rappel judiciaire de ses revendications devrait aider Bertelsmann à partager ces conclusions. Chez RTL Group, on n'était de toute façon jamais très chaud pour devenir une filiale à cent pour cent de Bertelsmann. Dans la conjoncture actuelle (lire ci-contre), avec un cours en Bourse à 28 euros (contre 44 euros prévus pour l'OPA), vendre des titres RTL soit pour augmenter le flottant soit pour lever des capitaux semble toutefois exclu, au moins à court terme. L'argument qu'un free float de quinze pour cent permettrait au titre d'entrer dans le "Footsie", l'indice de la Bourse de Londres, ne tient pas non plus. Faute d'échanges suffisants, RTL a confirmé mardi vouloir mettre un terme au listing dans la City.