La normalisation des affaires dans le secteur financier a ranimé la bougeotte des salariés. Ça recommence un peu à « tourner » dans les institutions financières, bien que le marché reste clairement en faveur des employeurs qui ont désormais le choix des candidats dans un bassin de recrutement qui dépasse très largement la Grande région.
On rembauche à nouveau pour faire face au développement du business dans les fonds d’investissement. Mais on continue à former en interne, y compris les chefs, surtout pour adapter les salariés à l’évolution du secteur devenu très pointu. Mais on forme selon des schémas bien différents de ce qui se faisait encore avant la crise financière : exit, les formations dites reward surtout destinées à coincer la bulle – et si possible au soleil. « Au cours des deux dernières années, explique Nicolas Lefèvre, responsable de PwC Academy, la place est bien évidemment à la recherche de solutions de formations les plus rentables et un focus sur des choses qui soient très vite transférables, avec un retour sur investissement très rapide ».
PwC Academy, qui est sans doute le plus important pourvoyeur privé de formations professionnelles dans le secteur financier, a d’ailleurs adapté son offre et fait de plus en plus de « sur mesure » pour ses clients. Une « tendance lourde » à la « taylorisation ». PwC Academy consacre un tiers seulement de son activité à des formations « catalogues », le reste étant des produits taillés spécialement pour ses clients.
« Les formations accompagnent au plus près les tendances et les évolutions réglementaires et vont aussi au plus près de l’amélioration de l’impact sur le business, elles sont un investissement stratégique des entreprises », note Nicolas Lefèvre. Par exemple, dans l’industrie des fonds, la société a formé 250 employés d’un gros agent administratif pour permettre à l’entreprise de « tourner la page » des fonds « classiques » et ouvrir celle des fonds alternatifs, un nouveau créneau sur lequel l’industrie luxembourgeoise s’est engouffrée.
« À partir du moment où tous les budgets sont sous surveillance pour être softs, il est clair que les sociétés, les comités de direction et les directeurs des ressources humaines font davantage attention à comment ils dépensent en regardant la pertinence de leurs dépenses et surtout ce que ça va leur rapporter. Il est vrai que certaines formations perçues comme étant moins rentables ont tendance à s’effacer pour laisser la place à des produits à valeur ajoutée devant le client », confirme pour sa part Christian Scharff, associé de PwC en charge notamment du conseil en ressources humaines. « On envoie les salariés en formation, ajoute-t-il, parce qu’on attend d’eux quelque chose de précis, par exemple un changement des comportements et qu’il y a une exigence en retour, ce qui n’était peut-être pas nécessairement le cas, il y a quelques années ».
Si la demande en formation reprend, la mobilité des employés suit forcément le mouvement : « La meilleure manière de retenir des collaborateurs est d’avoir de bons managers », souligne Christian Scharff.
Aussi, la formation professionnelle ne vise-t-elle plus seulement les remises à niveau des « petites mains » du secteur financier (souvent des quadragénaires), celles qui œuvraient notamment dans les coupons, activité reine au Luxembourg dans les années 1970 et 1980, mais qui n’a plus aucun débouché.
Difficile quand vous avez coupé du coupon pendant vingt ans de changer de métier, d’autant que la « génération coupon » a souvent 40 ans et plus et que leur employeur hésite parfois à payer une formation de recyclage alors que leur temps de carrière dans l’entreprise est limité.
Être un bon chef, capable de garder en place son équipe, ça s’apprend. La crise a mis en veilleuse les formations managériales, la reprise les remet au goût du jour. D’autant que la formation entretient un lien particulièrement étroit avec la mesure de performance.
« Nous voyons apparaître de plus en plus chez nos clients, suite à des revues de performances au cours de l’année écoulée, des mesures prioritaires de développement de salariés », explique Nicolas Lefèvre. Il s’agit d’abord de recycler une partie du personnel d’encadrement qui a évolué sur le tas pour occuper des responsabilités pouvant parfois les dépasser. La formation joue ici à un double niveau : technique et comportementale.
Ayant connu une croissance rapide, la place financière a dû recruter beaucoup de monde sans trop regarder les qualifications ni le degré de maturité. Des gens initialement affectés à des postes « très techniques » ont été promus jusqu’à encadrer des équipes de cinq ou dix personnes, voire davantage, sans avoir été formés pour assurer de telles responsabilités. Ce qui explique en partie les nombreux « gros » projets de formation de « communautés managériales » préparant à l’encadrement d’équipes.
Le recrutement a redémarré dans le secteur financier, mais il a aussi changé de visage, car il est davantage favorable aux employeurs qui sont face à des demandeurs d’emplois en surnombre et une pléthore de jeunes diplômés, maîtrisant au moins deux langues étrangères, qu’il ne l’est aux employés. L’offre est désormais abondante et les jeunes universitaires n’hésitent plus à signer un contrat au Luxembourg pour valoriser et internationaliser leur CV. Le pouvoir d’attraction de la place financière a largement débordé les frontières de la Grande région. On n’hésite plus à venir de Mannheim, Munich, Grenoble, Montpellier ou Bordeaux pour décrocher un premier job. « Trèves, Namur, Nancy et Reims n’ont plus l’exclusivité », explique Christian Scharff. D’autant que les nouveaux diplômés étrangers, y compris les Français peu portés dans les langues étrangères, arrivent au Luxembourg avec les mêmes armes que les autochtones, maîtrisant souvent l’Anglais et l’Allemand aussi bien que leur propre langue. Désormais, pour être certain de décrocher un job, il est nécessaire d’ajouter encore une langue à son CV. Le Russe, le Portugais et l’Arabe constituant un avantage.