Sur le fil Instagram de Marcin Sobolev, l’artiste publie régulièrement des photos des poissons qu’il pèche pour « manger bio » comme il dit, de préférence à Molenbeek, à Bruxelles, où il habite. L’anecdote résume bien sa philosophie, aussi en art : faire avec ce qu’on trouve sur place, récupérer, valoriser l’existant, mêler biographie et pratique artistique. Depuis qu’il a rencontré Arianna Musetta, qui est devenue sa partenaire dans la vie comme dans le travail, ils partagent cette même approche. L’exposition Double Mafia que leur consacre Danielle Igniti au Centre d’art Dominique Lang à Dudelange, en présente un vaste panorama, montrant presque exclusivement de nouvelles œuvres, réalisées en un marathon d’un mois de travail intense, toujours à quatre mains.
« Double mafia » parce qu’Arianna est d’origine napolitaine et Marcin a des racines biélorusses et polonaises – « Ça nous a fait rire parce qu’à chaque fois qu’on parle à la télé de ces régions, c’est en rapport avec la mafia » sourit Marcin à Dudelange. Leur exposition est un grand cabinet des curiosités, où sont réunis objets personnels, souvenirs visuels reproduits dans des dessins, fleurs séchées et autres matériaux trouvés. Tout, ici, a une histoire, qui ne s’ouvre pas forcément au spectateur – mais ce n’est pas grave.
L’installation la plus impressionnante est celle à l’étage, dans la petite salle aux fenêtres rondes : Place Flagey est un amas de bric et de broc, avec, à gauche, des bouts de bois, de tissus, de draps. C’est un hommage aux sans-abris qu’Arianna rencontre tous les soirs sur la place, où elle travaille, et qui ont leurs endroits préférés ici (entrées de banques notamment, qui laissent ouverts leurs sas afin d’offrir cet abri aux plus démunis). Au fond, des fleurs synthétiques, chacune sous feuille plastique, symbolisent toutes les personnes que les deux artistes ont pu rencontrer sur leur parcours jusqu’ici ; à droite, des troncs de bouleaux, arbre très résistant qui pousse partout.
Cette générosité, cette ouverture à l’autre et ce mélange de techniques et de matériaux, cet amour du détail et cette célébration du folklore, bref, ce nouvel arte porvera un peu plus baroque, on les retrouve tout au long de l’exposition, comme encore dans la composition, au rez-de-chaussée, de Garikula et Mauvaises herbes : la première œuvre est un socle portant toutes sortes de vases dépareillés glanés partout, des vases et bouteilles accueillant des fleurs en papier trouvées dans l’atelier d’un ami. Les Mauvaises herbes sont des tableaux acrylique sur toile très graphiques sur ces plantes qui poussent, elles aussi, partout, même dans les contextes les plus difficiles. Comme sur les voies ferrées, qui passent juste devant la galerie, le Dominique Lang étant une gare ferroviaire. Marcin Sobolev et Arianne Musetta n’auraient pu imaginer meilleur endroit pour exposer : une gare d’où on part, où on arrive, et qui abrite clochards et... artistes.