Affaire Madoff

Premier test au pénal

d'Lëtzebuerger Land vom 23.09.2011

Alors que devant les juridictions civiles, le scandale des fonds d’investissement Madoff au Luxembourg reste bloqué en raison des procédures de liquidation qui font des curateurs les maîtres quasi absolus du jeu, sur le plan pénal, une percée s’est faite cette semaine. Lundi, devant la 13e chambre correctionnelle, les juges ont fixé deux audiences entières au moins – il y en aura peut-être une troisième – au mois de novembre pour examiner la plainte par citation directe de trois retraités français et la société parisienne de gestion d’actifs, Georges V Asset Management, pour escroquerie et abus de confiance à l’encontre de huit protagonistes du scandale Madoff au Luxembourg1, dont plusieurs hauts dirigeants de la banque UBS Luxembourg, qui assurait entre autres la gestion du fonds d’investissement Luxalpha, dont les pertes pour les investisseurs se chiffrent à 1,7 milliard de dollars. Outre la gestion du portefeuille de Luxalpha, UBS en était aussi le dépositaire, son principal agent payeur et son distributeur. Les plaignants ont accusé des pertes de plus de 800 000 euros.

C’est la première fois au Luxembourg, où les pertes liées à l’affaire Madoff ont été les plus importantes, qu’un test au niveau d’un tribunal correctionnel interviendra, d’où l’intérêt que l’affaire suscuita lundi, où les audiences furent simplement fixées et un petit coin de voile de la procédure levé.

La plainte s’appuie d’abord sur la qualification d’escroquerie en détaillant l’un après l’autre les mensonges et les dissimulations distillées par les dirigeants de Luxalpha et d’UBS, qui firent passer auprès des investisseurs les risques du fonds comme quasi nuls. Les faits sont connus et sont égrénés régulièrement dans les procédures civiles introduites au Luxembourg, qui se sont jusqu’à présent toutes terminées en eau de boudin. Ces dirigeants « ont facilité la fraude commise par Madoff en utilisant la marque et la réputation d’UBS pour faire bénéficier les fonds employés d’une apparence de légitimité », accusent les quatre plaignants pour lesquels l’intention frauduleuse des administrateurs de Luxalpha ne fait aucun doute. « Les administrateurs de Luxalpha, ajoutent-ils, savaient qu’UBS ne remplissait en aucune manière le rôle de dépositaire de la Sicav, ce qu’ils ont caché au public. » Outre la volonté de tromper les investisseurs et le régulateur, la plainte dénonce l’abus de confiance et de crédulité que les administrateurs du fonds et cadres d’UBS « en mettant sciemment en avant le nom d’une institution bancaire contrôlée ».

En saisissant le tribunal correctionnel, les investisseurs français entendent d’abord obtenir réparation de leur dommage matériel suite aux actes délictueux commis par les dirigeants d’UBS et administrateurs de Luxalpha. Les victimes de Madoff invoquent également un préjudice moral pour lequel elles réclament chacune 10 000 euros à titre de réparation pour le « mensonge dans lequel elles ont été maintenues pendant de nombreuses années ».

La question qui devrait revenir aux audiences comme un refrain est celle de la recevabilité de la citation directe. Les avocats des dirigeants d’UBS ont déjà fait savoir lundi à l’audience de fixation qu’ils considéraient le recours comme irrégulier. La procédure au Luxembourg, parallèle à la plainte engagée en 2010 par le Parquet contre les ex-dirigeants d’UBS et des fonds Madoff, se greffe à une nouvelle plainte que le liquidateur américain des sociétés de Bernard Madoff a déposée en juin dernier à New York, en complément d’un premier recours. Irving Picard apporte dans ce document public (www.madofftrustee.com) des précisions piquantes sur l’escroquerie présumée de la banque UBS qui a fait croire à des milliers d’investisseurs ainsi qu’aux régulateurs qu’ils plaçaient leurs fonds dans un OPCVM avec passeport européen, avec toutes les garanties et protections de ce statut, alors qu’en réalité la banque alimentait une fraude de type Ponzi.

1 Il s’agit de Roger Hartmann, ancien président du conseil d’administration de Luxalpha et ex-patron d’UBS Luxembourg – jusqu’au 30 novembre 2007 – qui est ensuite devenu associé d’Ernst & Young, l’auditeur de Luxalpha ; Ralf Schöter (Luxalpha, actuelleme
Véronique Poujol
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