Prendre rendez-vous avez Pascal Schumacher, c’est se calquer sur l’agenda de ses voyages, dictés par ses engagements à l’étranger, que ce soit avec son quartet ou en trio avec Francesco Tristano Schlimé et Bachar Khalifé – trio qui, ce soir par exemple, joue à Tokyo, avant que Pascal participe, lundi 7 décembre, à une interprétation de Porgy & Bess à Paris et, le lendemain, à un concert de son dernier disque Left Tokyo Right, paru en mars, à la Cité de la musique à Paris. Avoir rendez-vous avec Pascal Schumacher, c’est le voir arriver avec une valise à roulettes, qui l’accompagne toujours, que ce soit lors de ses voyages ou pour les cours de percussion qu’il donne au Conservatoire de la Ville de Luxembourg. « Les tournées sont en fait très fatigantes, constate-t-il. Les concerts, qui sont les moments de bonheur, n’en constituent que cinq pour cent du temps, tout le reste est effort ». Pascal Schumacher revient d’une tournée en France, qui l’a mené de Nevers à Lomme, dans le Nord, essentiellement dans des festivals de jazz avec son quartet. Le 13, lui et son équipe n’ont appris la nouvelle des attentats à Paris qu’après le concert ; le lendemain, après beaucoup de discussions et de réflexions, ils ont décidé de jouer quand même, de monter sur scène, c’était à Annecy. « Bien sûr, on avait un sentiment bizarre, c’était une drôle d’ambiance, mais le public a donné la vraie réponse : il était là ! » se souvient le musicien.
Quand Stephan Gehmacher, le directeur de la Philharmonie, l’a appelé il y a quelques semaines pour lui demander s’il voulait participer au grande concert caritatif d’artistes luxembourgeois pour les réfugiés, il n’a pas hésité : comme il était libre, Pascal Schumacher a acquiescé tout de suite. Il jouera, en duo avec son ami Francesco Tristano, aux côtés de musiciens pop-rock comme Serge Tonnar et Raquel Barreira, de jazz comme Sascha Ley, Jeff Herr ou Maxime Bender et classiques comme l’OPL ou Lucilin. « Je trouve tout à fait normal qu’un musicien soit engagé dans la société dans laquelle il vit », le résume Pascal Schumacher, qui se définit lui-même plutôt comme un artisan que comme un artiste. Bel understatement de la part de celui qui joue à la Philharmonie comme il compose des musiques de live cinema (Die Frau ohne Schatten a déjà été joué dix fois à travers l’Europe depuis sa création), qui interprète la musique des autres comme il invente la sienne.
« Je suis toujours de ce monde, aussi quand je compose », affirme-t-il. À 36 ans, Pascal Schumacher vient d’une formation de percussionniste classique, avant de s’orienter vers le vibraphone, instrument ô combien rêveur et enlevé, qui a autant de possibilités dans le rythme que dans la mélodie. Cours chez Gast Waltzing, Guy Cabay (« il m’a tout appris ») et Emmanuel Séjourné ; vie à Bruxelles, retour au Luxembourg avec des allers/retours à Bruxelles, « ma ville ». Peu à peu, Pascal s’éloigne de la musique classique pour se rapprocher du jazz, « et dès que tu fais du jazz, tu commences aussi à composer ta propre musique ». Une musique qu’il ne définirait pas comme du jazz pur et dur, mais plutôt comme une « musique actuelle, d’aujourd’hui » qu’il écrit en pensant au lieu où elle se crée, toujours avec une certaine responsabilité, concept essentiel pour lui. Le Luxembourg, estime-t-il, ne swingue pas comme la Nouvelle Orléans, donc copier ces musiques ici sonnerait faux à ses oreilles. Son Left Tokyo Right est ainsi un hommage au Japon et à sa capitale, où il était en résidence et qu’il visite plusieurs fois par an, une musique zen comme les temples et leurs jardins côtoyant une musique moderne et dynamique comme l’activité de ses centres commerciauxet financiers. C’est aussi cela sa définition de responsabilité : être en accord. Avec la vie, le monde, son époque et ses convictions.