Il n’y a qu’une seule sculpture dans l’exposition We hold the Wildflowers de Yashua Klos à la galerie Zidoun-Bossuyt. On la découvre au détour de la première salle d’exposition, mais elle est hautement symbolique. C’est un masque en bois, aux traits africains, comme ceux qu’avaient découvert les surréalistes au début du vingtième siècle, les éloignant de l’art figuratif européen et de sa domination exercée jusque là dans le monde de l’art. On n’oubliera évidemment pas Picasso, qui, avec ses portraits vus à la fois de face et de profil, a fait exploser les normes de la représentation.
Family Altar Welding Mask, portant un panache et des lunettes de protection, rappelant les heaumes et visières des chevaliers du au moyen âge en Europe, est dédiée à la famille de Yashua Klos. Travailleurs noirs du Sud venus à Detroit, la capitale de l’industrie automobile, ils ont participé à construire la société nord-américaine, sans y être inclus pour autant. On connaît les luttes des noirs américains pour les droits civiques, de Rosa Park à Martin Luther King et aux Black Panters, mais aujourd’hui, plus que leur droit de vote, leur droit à la vie est mis en danger, ce qu’a montré la fin tragique de George Floyd, étouffé par la police de Minneapolis il y a deux ans à peine.
Rien de tout cela ne ressort directement du travail de Yashua Klos, sinon une ode à la fierté noire : beaucoup de ses tableaux représentent des femmes qui sont en fait ses demi-sœurs, connues depuis peu. Cette famille, très nombreuse, est pour tlui comme un puzzle à recomposer, puisqu’il a été élevé par sa mère blanche, abandonnée par son père noir, qu’il n’a vu que deux fois dans sa vie, enfant et adolescent. Triste histoire ! Mais voici Queen Cousin, que l’on devine généreuse comme sa chair est enrobée, joviale comme son sourire. Ses cheveux ondulés et les fleurs qui encadrent son visage donnent un petit air de cadre d’autrefois, ouvragé, qui sertissaient et mettaient en valeur les portraits de ceux que l’on aime….
L’art de Yashua Klos est tout sauf agressif, mais sa manière de travailler ressemble à la technique des affichistes sauvages de la rue : incise sur bois, enduit de couleur et imprimé sur papier. C’est un hommage aux luttes urbaines du peuple afro-américain, tout comme les briques et le ciment de l’Amérique qu’ils ont œuvré à construire, jamais nommés, ni honorés. Yashua Klos représente le travail de maçonnerie en guise de col de pull-over et de couvre-chef dans le portrait à la fille au béret en brique (Brick Beret). On ne sait si ces briques l’enserrent et lui pèsent ou si elle est libérée de leur joug. Est-ce la raison pour laquelle il utilise un papier très délicat et précieux, le papier de riz japonais ?
We hold the Wildflower titre de l’exposition, est aussi celui d’un tableau, qui avec Your Roots Hold On To You, représente des mains. Deux fois, elles sont agencées telle une coupe. Des fleurs de liseron descendent vers les racines de la plante grimpante et s’enroulent comme un pansement autour du bout des doigts usés par le travail.
Yashua Klos s’avère être marqueteur, imprimeur, découpeur, coloriste réalisant des collages virtuoses assemblés comme un puzzle pour figurer une image. Vine Veil, Related to Goddess et l’autoportrait The Wind Reminded Him (That he planted This Place), sont des mots pour quelqu’un qui n’a pas d’autre moyen de s’adresser aux autres. C’est une excellente définition de son art..
We hold the Wildflower, exposition monographique de Yashua Klos, est à voir jusqu’au 29 octobre à la galerie Zidoun-Bossuyt. 6 rue Saint-Ulric, Luxembourg-Grund