« All animals are equal, but some animals are more equal than others. » Aujourd’hui, on peut adapter le constat d’Animal farm de George Orwell (1945) à toutes les politiques migratoires de par le monde, où les inégalités explosent. Aux États-Unis, Donald Trump décrète que les ressortissants de sept pays dont la population est majoritairement musulmane ont moins de droits que d’autres voyageurs – tellement moins qu’ils peuvent, à ses yeux, être interdits d’entrée sur le territoire. Les Mexicains ont, eux aussi, moins de droits que les autres travailleurs – tellement moins qu’ils doivent même financer un mur qui servira à les enfermer dehors. Alors les décideurs politiques européens, dont Jean Asselborn (LSAP), ont beau condamner la politique ultra-protectionniste de Donald Trump : ce qui se passe en Europe n’est pas tellement plus reluisant. Même au Luxembourg, où il existait un large consensus sur un accueil généreux des demandeurs de protection internationale depuis l’arrivée en nombre de réfugiés fuyant la guerre en Syrie en 2015, cette approche humaniste s’effondre. L’entretien du ministre du Travail et de l’Emploi (et ancien ministre de l’Immigration) Nicolas Schmit (LSAP), le 20 janvier au Luxemburger Wort a ouvert la brèche. S’il faut, comme il le préconise, « repenser notre politique d’immigration et d’asile de fond en comble », ne plus accueillir tout le monde et installer des camps aux frontières de l’Europe, afin de pouvoir mieux sécuriser le continent et garantir la libre-circulation des citoyens de l’Union à l’intérieur de l’espace Schengen, alors tout semble renégociable. Finis les acquis.
Cette semaine, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration Jean Asselborn a confirmé, vis-à-vis de la Radio 100,7, la restructuration du département réfugiés de son ministère : Face à « l’afflux massif » de demandeurs de protection internationale (DPI) en provenance des pays des Balkans (en 2016, jusqu’en novembre, ils étaient plus d’un tiers, 678 sur 1 852 nouveaux demandeurs), et de peur d’abus, une nouvelle procédure « ultra-accélérée » a été mise en place dès ce mercredi 1er février. Désormais, les ressortissants de Serbie, du Kovoso, de Bosnie-Herzégovine ou de Macédoine, tous des pays classés « pays d’origine sûrs », tomberont automatiquement dans ce raccourci de la procédure d’asile, recevront un premier entretien trois jours après le dépôt de leur demande et auront droit à l’assistance d’un avocat sur place, au foyer installé dans l’ancien Centre de logopédie (le Barreau a été invité à lancer un appel à ses membres pour se porter candidat pour cette permanence). La réponse à ces demandes doit tomber dans le mois qui suit, puis il y aura les possibilités de recours classiques prévues dans la loi. En trois mois, tout doit être terminé, les personnes déboutées du droit d’asile, que ce soit pour cause de « pays d’origine sûr » ou parce qu’elles avaient déjà déposé une demande dans un autre pays signataire de l’accord de Dublin, se retrouveront parquées, en attente de rentrer en bus ou en avion, au Hall 6 de Luxexpo. Qui deviendra, il faut appeler un chat un chat, un « centre d’expulsion ».
Le ministère de l’Immigration a donc en même temps repris la gestion du foyer de l’Olai et du ministère de la Famille. La Croix-Rouge ne veut pas en gérer la surveillance, pour des raisons éthiques, mais se dit prête à fournir un encadrement social. Le Haut commissariat à la protection nationale – normalement chargé e.a. de la lutte anti-terroriste –, et le Centre de rétention surveilleront ce drôle de foyer. Et déjà, Luxexpo craint pour son image. Quelque 200 personnes seraient concernées dans un premier temps, expliqua le ministre à la radio. Alors, peut-être que les DPI originaires des Balkans sont avant tout des réfugiés économiques (mais l’Europe ne leur offre toujours pas de voies d’entrée légales) et que le Luxembourg veut donner un signal fort qu’il ne sert plus à rien de tenter sa chance ici. Mais la loi n’a pas changé et la convention de Genève stipule bien que chacun a le droit à une analyse individuelle de son cas. On peut tout à fait être personnellement persécuté pour des raisons ethniques, politiques ou religieuses dans un pays qui est par ailleurs un partenaire de l’Europe. Jean Asselborn s’en expliquera mercredi prochain au Parlement.