Jeudi 9 mars au soir, Pol Belardi donne un concert au Wine Not, jazz club convivial en plein centre de Thionville, en France. Le jeune batteur, une des figures de proue de la jeune scène de jazz luxembourgeoise, est accompagné de son quartet, le Pol Belardi’s Force. Avec Jérôme Klein au piano, Niels Engel à la batterie et Pierre Cocq-Amann, quart de la formation Saxitude, au saxophone alto, pour remplacer le temps d’un show David Fettmann. Le public est timide et ne se presse pas vraiment, mais à vrai dire, le concert du jour représente surtout, pour les musiciens du groupe, l’occasion de se retrouver et de répéter. À la fin du mois sort le second opus de la formation, Creation/Evolution, d’abord en digital, puis en version physique en mai prochain à l’occasion du festival Like a Jazz Machine à Dudelange, dont la formation est une des têtes d’affiche cette année.
La veille, Pol Belardi jouait à l’Atelier au sein du Luxembourg Jazz Orchestra, qui accompagnait Billy Cobham, légendaire batteur panaméen. Pour le moment les musiciens récitent quelques morceaux de l’album à venir. De l’hypnotisant Natural selection qui offre une place de choix au saxophone, au groovy et rythmique Toothgrinder, qui avait déjà fait taper du pied les professionnels présents en novembre dernier au Luxembourg Jazz Meeting, où le Force présentait l’album encore en projet. Entre deux morceaux, ils se charrient et sont décontractés. Vers onze heures, après le concert, la fin de semaine se fait sentir, synonyme de repos pour beaucoup, mais pas pour le batteur.
Le lendemain en effet, il officie en tant que sideman pour Pascal Schumacher au Cube 521 à Marnach. Le vibraphoniste y conclut une tournée de
45 concerts. Celle de l’album Left Tokyo Right paru en 2015. Au passage, cet opus inégal sur certains aspects reste étonnant à l’écoute, notamment pour sa reprise du titre Lilia du brésilien Milton
Nascimento, remarquable mélange des genres. Pol Belardi avait déjà participé à l’enregistrement de l’opus et à tous les concerts donnés, notamment au Japon. Dans la vidéo de présentation de l’album publiée sur la chaîne Youtube de Pascal Schumacher, ce dernier admet, amusé, « Pol a dix ans de moins que moi, donc je me sens très vieux à côté de lui. Il joue de la basse électrique, c’est quelque chose que je n’avais pas avant. Cela change ma musique, mais ça arrive au bon moment car la musique a beaucoup changé ». Le jeune batteur représentant en somme une valeur ajoutée à la musique du vibraphoniste, celle d’une modernité modérée.
Samedi soir, le marathon continue. Pol Belardi se retrouve au Kirchberg, à la Philharmonie. Il est l’un des guests de l’Opus 78, Big Band autochtone qui fêtera ses quarante ans l’an prochain. La salle de musique de chambre est pleine à craquer. Le batteur habituel laisse de côté son instrument à corde en s’emparant de baguettes pour jouer sur le vibraphone posé au premier plan de la scène. Deux de ses compositions sont interprétées, Spring et Recovery. La première est une marche solennelle, nostalgique et optimiste, comme un printemps finalement. Ce genre de pièce musicale qui, au cinéma, pourrait faire basculer dans l’absolu n’importe quelle scène banale de la vie quotidienne. Au cours de la soirée, les morceaux de qualité variable, il faut le dire, forment finalement un tout cohérent. Ressort particulièrement Ernie Hammes, trompettiste de renom, dont la musique brille autant que sa cravate et sa pochette, toutes deux dorées.
Dimanche 13 mars au Trifolion, centre culturel d’Echternach, Pol Belardi conclut enfin sa semaine de concerts au sein du Metromara Jazz Sextet. Vers 17 heures alors que les terrasses du centre-ville sont encore bondées, une cinquantaine de curieux, étudiants en musique ou connaissances assistent néanmoins au spectacle. Sur scène, outre le bassiste, Mara Minjoli est au micro, Olivier Emmitt au trombone, Constantin Krahmer au piano, Jérôme Klein encore, mais cette fois-ci aux synthétiseurs et enfin Pit Dahm à la batterie. Outre par le prisme de la formation Metromara, du nom de la chanteuse, les musiciens se sont rencontrés au Conservatoire d’Amsterdam. D’ailleurs certains d’entre eux ont participé au projet de fin d’étude de Pol Belardi, la vaste suite Urban voyage.
La cohésion du groupe paraît évidente. Ils interprètent des compositions extraites de leur album Self-portrait in twelve colors paru en octobre dernier. Ressortent Beauty slave, critique du paraître et du faux semblant, facile mais efficace, et surtout Frog, ré-interprétation sanglante d’un conte populaire. Le prince charmant se métamorphosant ici en grenouille malfaisante qui est tranchée en deux par le texte récité habilement par la chanteuse, explosion de sang et de sons qui fait sursauter une dame qui somnolait au troisième rang.
Le concert terminé marque la fin du marathon de Pol Belardi, qui aura joué cinq concerts en une semaine et ce, avec cinq formations différentes, mais la vie d’un musicien c’est aussi ça. Un rythme effréné, qui est le bienvenu après un début d’année plutôt tranquille et qui représente de son propre aveu, une source de motivation. Un néophyte pourrait logiquement se dire qu’enchaîner les concerts et les formations en faisant des grands écarts stylistiques à foison pourrait amener un musicien à être victime de confusions et autres trous de mémoire. Toutefois, la question ne se pose pas pour un bon musicien qui doit savoir faire la part des choses.
Le projet Urban voyage (avec plusieurs membres de Metromara) reprendra vie le temps d’un concert, à Neimënster le 26 mars, avec la participation du groupe DeLäb. Le 31 mars marquera la sortie du nouvel album du Pol Belardi’s Force, Creation/Evolution en version digitale. Le soir un concert spécial sera donné à cette occasion au Conservatoire de la ville d’Esch-sur-Alzette où le Force sera accompagné par l’Orchestre de chambre du même conservatoire.
Plus d’informations :
polbelardi.com ou metromara.com