Un décor oppressant, étouffant même car fermé. Une sorte de chambre capitonnée ; jaune, qui ferme la scène sur les perspectives extérieures et qui l'ouvre sur le texte de Patrick Süskind, sur La Contrebasse.
C'est qu'il faut écouter le texte, il faut être entièrement attentif, il nous apprend tellement de choses : l'histoire de la musique, les histoires des musiciens, les liens entre la musique et l'histoire et les handicaps d'un instrument et de son maître, il s'agit là bien sûr de la contrebasse et du musicien, incarné par Jacques Paquer. Oui, c'est comme dans Le Parfum ou Le Pigeon, Süskind s'est une fois de plus intéressé à l'obsessionnel et aux détails des choses, il a été capable de parler de musique et d'instruments en les personnifiant, en les allongeant vivants sur une table chirurgicale et en leur faisant une autopsie approfondie.
Quelque part, il est question ici d'un prétexte, d'un bon prétexte pour pouvoir réfléchir sur la musique et sur son universalité dans la tête des hommes. C'est vrai et La Contrebasse nous le révèle, même pendant la Seconde Guerre Mondiale, la musique a continué de faire vibrer. Elle a d'ailleurs été l'accompagnatrice des bons comme des mauvais. Et imaginez l'espace d'une seconde que des films, tels que La Liste de Schindler de Steven Spielberg ou dans un autre registre Dancer in the dark de Lars van Trier ne soient pas soutenus par la musique, les moments que nous passerions avec les drames des uns et des autres nous paraîtraient sûrement plus acceptable et nous les oublierions facilement.
Il ne faut pas spécialement avoir une oreille musicale pour éprouver des émotions en écoutant du Brahms, du Mozart, du Saint-Saëns ou du Angelo Badalamenti (bandes sons pour les films de David Lynch) ou encore en écoutant les morceaux féeriques de Dany Elfman (bandes sons des films de Tim Burton). Ce n'est pas de tout ça que nous parle le monologue de Süskind, qui pour l'occasion a été mis en scène par Philippe Noesen et qui est représentée au TOL. Elle nous permet juste d'avoir ce genre de réflexion sur la musique et sur ce qu'elle représente dans l'absolu.
Mais il s'agit aussi d'une pièce comique, surtout grâce au savoir-faire de Jacques Paquer. Il est vrai que c'est difficile d'installer dès les premiers instants une ambiance bien définie, à savoir l'ambiance de quelqu'un d'assez lucide qui se remet en question en partant de sa passion pour la musique. Les spectateurs sourient un peu au début jusqu'à rire à pleines dents, accrochés par la consistance du texte et par les mimiques clownesques du comédien.
Voilà c'est ça, le musicien se révèle tout comme pourrait le faire un clown en se démaquillant et évoquant sa vie triste - tout le monde sait que la vie d'artiste (clown ou musicien) n'est pas forcément toujours remplie de poésie et de moments forts. Au fil de la pièce, il paraît évident que même la passion musicale est décortiquable, qu'il existe au sein d'un orchestre une organisation bien précise, une hiérarchie impitoyable, à l'image de la société, agrémentée d'injustices et de jalousies qui font souffrir un homme quelque peu ambitieux mais résigné.
Ce n'est pas le musicien qui a dompté sa contrebasse, c'est elle qui, se comportant comme une femme, une mère même, a complètement happé sa vie. En parlant de sa contrebasse, le musicien fait apparaître cette dimension charnelle qui lui manque et qui lui est imposée : « On a toujours l'impression qu'elle rigole, elle rend l'acte sexuel ridicule (...), ça fait deux ans que je n'ai pas eu de femme, à qui la faute ? ».
La Contrebasse de Patrick Süskind, mise en scène par Philippe Noesen avec Jacques Paquer sera encore jouée les 19, 21, 26, 27, 28 avril et les 3, 4, 5, 10, 11 mai à 20.30 heures au TOL. Renseignements et réservations au 49 31 66.