Les sirènes d'Avignon - Festival « in » s'il vous plaît - sont irrésistibles. Ou étaient-ce les cigales plutôt ? En tout cas, le Festival de Wiltz, le Théâtre des Capucins et le Théâtre municipal d'Esch-sur-Alzette ont fièrement suivi l'invitation du théâtre ami avignonnais du Chêne noir - Cie Gérard Gelas de coproduire une nième adaptation de L'avare de Molière.
Dans le programme officiel du festival d'Avignon, le titre est écrit avec une arrobace, L'@vare, comme pour signifier le plus ostensiblement possible qu'il s'agit d'une pièce moderne. Que donc les acteurs portent des baskets avec leurs costumes classiques et leurs perruques ridicules, qu'il y a au moins une scène avec un téléphone portable, qu'un surveillant de sécurité rode tout le temps sur la scène, qu'ils dansent sur Faithless et Natasha Atlas et que la « cassette » contenant 10 000 écus de l'original est devenue une diskette, que les coffres-forts des temps modernes sont les ordinateurs et le Web, et que les avares d'aujourd'hui spéculent en bourse par Internet.
C'est une idée, c'est déjà ça, même si elle n'est pas vraiment très originale. Le problème de l'adaptation de Gérard Gélas, c'est que ses ficelles sont un peu grosses, que tout est dit, montré et redit mille fois, que le coup du « où est donc ma disk... euhh, ma cassette ? » agace dès la deuxième fois et que les acteurs eux-mêmes ne croient pas une seconde à leur personnage. Cette « modernité » flotte au-dessus du classique poussiéreux comme une marrée noire - gluante et encombrante.
Philippe Noesen y joue pour la troisième fois Harpagnon. Le rôle, il le maîtrise, l'avarice et la cupidité de son héros ne semblent plus avoir de secret pour lui, il joue tantôt le précieux ridicule, prend là des airs de Louis de Funès ou se fait chien à l'affût.
Et Marc Olinger, qui incarne Maître Jacques, se voit à nouveau réduit à se ridiculiser à jouer son embonpoint - la scène du lutteur de sumo restera dans les annales - ou son appétit présumé alors qu'il mériterait d'être pris au sérieux (de se prendre au sérieux parfois ?) en tant qu'acteur.
Claudine Pelletier (re)joue Frosine (comme déjà en 1987), intrigante et entremetteuse, avec une certaine élégance un peu gauche et Valérie Bodson (Mariane) se trouve à nouveau réduite à un rôle de jeune première naïve et sois-belle-et-tais-toi, alors qu'elle a largement fait ses preuves dans ce registre et mériterait une chance de prouver ce qu'elle sait faire d'autre. Parmi les acteurs avignonnais, Daniel Rémy joue un Valère cohérent, raide comme un manche à balai, mais cohérent. Sa tenue, sa diction et sa tension contrastent agréablement avec la fatigue ou la lassitude qui engloutissait ce 30 juin-là la représentation wiltzoise.
Le ridicule ne tue point, semble s'être dit Gélas et affuble son avare de lunettes de soleil, nous fait le coup des nounours en peluche de Don Anselme et force sur la farce et le grotesque pour faire rire. Or, sa modernité sonne faux, il en fait ou trop ou pas assez, peut-être qu'il a été irrévérencieux au mauvais endroit. En tout cas, cette adaptation-là semble complètement artificielle.