Au Luxembourg, la loi de Godwin veut que n’importe quelle discussion en-ligne, que ce soit sur le droit de vote des étrangers ou un résultat de football, s’achève sur une remise en question du tram. Comme si ce gouvernement et les générations futures étaient tous paralysés par le projet de construction du tram. Parce qu’il est sensible à ce qui se dit sur Internet, le gouvernement Bettel / Schneider / Braz a donc fait réaliser un de ces beaux graphiques illustrés qui accompagnaient la présentation du budget d’État 2015 à ce sujet. On y compare les 545 millions d’euros que coûtera la construction du tramway d’ici 2021 au milliard d’euros qui seront investis sur la même période dans le réseau routier et au 1,7 milliard qui seront investis dans le réseau ferroviaire. Avec tout le sérieux du monde, le gouvernement argumente même en défaveur du projet farfelu de quelques personnes privées de faire construire un funiculaire reliant le Kirchberg à la vieille ville. Si le ministère du Développement durable et des Infrastructures (MDDI) propose seize mesures d’économies à hauteur de 86 millions d’euros d’ici 2018 pour le « paquet d’avenir » du gouvernement, il y a aussi trouvé un coupable idéal à mettre au pilori en public : ce sont les architectes. Le plafonnement de leurs honoraires, mis en avant par Xavier Bettel à la Chambre et à la télévision, permettrait des économies de 2,4 millions d’euros sur quatre ans.
En fait, le gros des économies, ce gouvernement les réalise en n’attaquant plus de nouvelles constructions. Dans le budget pluriannuel, on voit bien que la plupart des gros chantiers en cours, hérités et planifiés par les précédents gouvernements, s’achèvent d’ici 2018, que ce soient des infrastructures routières, ferroviaires, militaires (rénovation des casernes du Häerebierg) ou même scolaires : le Premier ministre ne put faire aucune annonce d’un grand projet d’avenir, le projet de budget pluriannuel n’affiche rien que du connu – les Archives nationales ne sont prévues qu’au stade d’études, on n’en retrouve aucun budget prévisionnel dans les chiffres.
Alors certes, il y a les lycées, presque un demi milliard d’euros seront investis dans de nouveaux bâtiments, comme le lycée de Clervaux ou le lycée agricole de Gilsdorf (le lycée de Differdange n’étant inscrit que pour une phase d’élaboration), et certes aussi, le gouvernement promet d’investir 21 millions d’euros dans le nouveau stade national de football ou 55 millions dans une station d’épuration à Grevenmacher – mais est-ce que ça fait vraiment rêver ? « Nous n’avons pas besoin de palais, mais de bâtiments fonctionnels qui sont bien pensés et planifiés afin qu’ils ne coûtent pas plus chers que le coût initialement annoncé, » martela le ministre des Finances Pierre Gramegna (DP) mercredi à la Chambre des députés. Et que de la sorte, le gouvernement peut économiser quelque 17 millions d’euros par an. Le Fonds pour les monuments historiques, quant à lui, se voit amputer d’un million d’euros par an, « suite à une redéfinition de ses projets prioritaires ». Il était aussi une aide aux PME de l’artisanat.
La priorité des priorités semble être le logement : d’ici 2018, le gouvernement investira 275 millions d’euros dans le plan pluriannuel pour la construction d’ensembles subventionnés, plus 600 millions dans de nouveaux logements, promit Pierre Gramegna (voir page 4), sans préciser qui serait à même de les construire aussi vite.