On ne sait si c’était sur la foi d’analyses de données météorologiques que l’équipe de l’Atelier a choisi la date pour sa petite sauterie indie annuelle dans le Grund baptisée Siren’s Call, mais on peut en tout cas affirmer qu’édition après édition, la baraka est du côté des organisateurs et donc aussi des festivaliers, trop heureux de profiter de ce lieu magique sous le soleil. L’espace d’une journée, Luxembourg se transforme en ville cool, et tout ce que la Grande Région compte de hipsters se retrouve en short court / baskets vintage / chaussettes mi-hautes autour d’une bière, tantôt pour regarder de loin le groupe qui joue sur la grande scène du parvis de Neumünster, tantôt pour être un peu plus au cœur de l’action sur une des scènes indoor annexes, souvent plus intéressantes.
Pour cette troisième édition, l’alléchante affiche lorgnant comme de coutume sur l’electro-pop indé se voyait rehaussée de punk rock (les très hype Idles), tandis que la tête d’affiche était dévolue à la géniale (sur papier en tout cas) Cat Power. Un chouette cocktail qu’on pensait imparable quand, à l’heure de l’apéro, Metronomy fit danser sur le parvis à peu près tout le monde qui n’avait pas une portion de frites au guacamole en main. Le répertoire des Anglais est taillé pour ce genre d’événement : de l’électro-pop bondissante sans être putassière, des basses aux rondeurs assumées, des mélodies sucrées donnant envie de se commander un autre verre de rosé bio. Une prestation beaucoup plus convaincante que lors de leur passage en terre eschoise en 2011 à l’occasion du Sonic Visions, et méritoirement applaudie par la majorité des festivaliers conquis.
Deux heures plus tard, au même endroit, l’ambiance n’était pas vraiment pareille. Chan Marshall aka Cat Power avait pris possession des lieux, chassant les photographes des premiers rangs dans le même élan, et délivra un concert certes intéressant mais probablement plus réservé aux initiés vu les circonstances. La musique de l’Américaine, parfois dense, parfois plus épurée, est d’une beauté saisissante sur disque, mais n’est pas forcément facile d’accès sous 30 degrés et dans les vapeurs de fallafels, surtout que la moitié des gens qui vous entourent en sont à leur quatrième gin tonic et ont à ce stade une capacité d’attention comparable à un parlementaire européen hongrois devant un discours de Jean-Claude Juncker.
Comme d’habitude, c’est du côté du Melusina qu’il fallait se tourner pour réellement vibrer, et c’est là qu’on pu y vivre les deux prestations réellement significatives de cette troisième édition du Siren’s Call. Tout d’abord avec Flavien Berger, OVNI de la scène musicale française et ce qui est arrivé de mieux à la musique francophone depuis Sébastien Tellier. Ses armes : des synthés, des mots et un humour décalé à souhait, faisant mouche à chaque fois. Rares sont les artistes qui arrivent à surprendre à chaque concert, et Flavien fait partie de ceux-là. On a même l’impression qu’il se bonifie avec l’âge. Ses morceaux sont plus percutants que jamais, sa maîtrise toujours aussi décomplexée. Entre deux morceaux, il explique en long et en large (et en français) qu’il avait décidé de parler en anglais entre les morceaux, histoire de ne pas exclure les non-francophones. Voilà pour le côté loufoque du Français exilé à Bruxelles, aux contours potaches mais à l’essence véritablement et génialement post-moderne.
En fin de soirée, toujours au Melusina transformé en hammam pour l’occasion, les joyeux drilles de Idles étaient très attendus. Aperçus récemment aux Rotondes et se baladant incognito sur le site en journée avec des petits drapeaux européens dénichés sur un stand partenaire, ils ont sur le coup de 23h15 fait pétarader leurs brûlots punk rock surchauffés pour le plus grand plaisir des nombreux rockeurs pouvant enfin lâcher la bride après s’être fait endormir par Cat Power. Un concert aussi intense qu’idéal au vu des mines réjouies, et un pari gagnant pour l’organisation. De bon augure pour une quatrième édition qu’on espère aussi qualitative et encore plus aventureuse.