Renforcer la lutte contre les opérateurs illégaux et mettre des garde-fous aux trucages de matchs pour au final mieux protéger les consommateurs européens dans le secteur des jeux en ligne. C’est le message qu’ont lancé les députés européens en adoptant en session plénière à Strasbourg, le 10 septembre, à une large majorité (572 pour,79 contre et 61 abstentions) le rapport d’Ashley Fox, (ECR, Royaume-Uni). Par cette troisième résolution parlementaire sur ce sujet, ils soutiennent largement la feuille de route de la Commission, publiée le 23 octobre dernier. Après le rapport de Jurgen Creutzmann (ADLE, Allemagne) en 2011 et celui de Christel Schaldemose (S&D, Danemark) en 2009, le Parlement s’est en effet davantage concentré cette fois sur les enjeux sociétaux de cette activité économique. C’est une optique différente de celle que souhaitait le député eurosceptique de Gibraltar, terre d’accueil privilégiée des opérateurs privés de jeux en ligne. Il défendait en effet un système de licences paneuropéennes pour faciliter l’implantation des opérateurs privés d’un État membre vers un autre. Il s’est d’ailleurs dit « déçu que certaines de mes tentatives visant à ouvrir le marché à une plus grande concurrence transfrontalière se soient opposés à des éléments protectionnistes de gauche et du Parti populaire européen. Néanmoins, je crois que ces recommandations peuvent fournir des lignes claires et utiles pour la législation future ».
Le Parlement rappelle dans ce texte que le jeu en ligne est une activité économique d’une nature particulière, justifiant des restrictions en vue de protéger les consommateurs, prévenir de la fraude, la lutte contre le blanchiment d’argent. Ce que d’ailleurs ne cesse d’affirmer la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE. Un point qui satisfait Friedrich Stickler le président d’European lotteries, l’association qui regroupe les détenteurs de monopoles dans l’UE. « Le Parlement européen, dit-il, souligne très clairement le droit des États membres à définir leur propre politique de jeu en fonction de leurs propres valeurs et l'appliquer efficacement ». Autre son de cloche du coté des opérateurs privés, qui fustigent l’orientation du rapport. Selon la Remote Gambling Association qui les représente, « ce rapport contient des présupposés fallacieux de protection du consommateur pour justifier des barrières à l’entrée de ce marché ». L’association européenne des opérateurs de jeux en ligne (EGBA) met pour sa part en exergue que les États membres doivent aussi respecter les principes fondamentaux du Traité, ce que la Cour a rappelé plus d’une fois, pour ne pas entraver indûment l’activité des entreprises de jeux privées. Et d’insister aussi que la Commission poursuive les procédures d’infractions contre les États membres qui continuent de violer le droit de l'UE, gelées depuis 2008 pour certaines. Pour Maarten Haijer, le secrétaire général de l’EGBA, « c'est le seul moyen d'assurer une offre réglementée attractive et compétitive, et empêcher les consommateurs de se tourner vers des sites plus compétitifs mais non réglementés ».
Le Parlement défend surtout des mesures plus actives pour protéger les joueurs et il demande à la Commission et aux États membres de réfléchir à la mise en place à l’échelle européenne des registres d’auto-exclusion, des limites de pertes ou des seuils de durée de jeu. Ainsi, tout joueur en ligne qui le souhaite pourra être automatiquement auto-exclu par différents opérateurs. Pour empêcher les mineurs d’accéder à des sites de jeu en ligne et la détention de plusieurs comptes par joueur, le texte recommande également l’instauration de systèmes communs d’identification électronique. Il suggère encore aux États membres d’obliger les opérateurs à indiquer sur leur site un label visible ou le logo de l’autorité de régulation pour faciliter l’identification des sites sûrs et légaux pour aussi mieux identifier a contrario ceux qui ne le sont pas.
La lutte contre les sites illégaux passe, selon le rapport, par la mise en place de listes noires et par le blocage systématique des sites et des transactions financières qui y ont trait. Le Parlement recommande à ce propos une définition européenne de solutions de paiement sécurisé garantissant la traçabilité des opérations et une coopération plus étroite entre les autorités nationales de régulation du jeu et les polices dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Quant au trucage de matchs, le texte juge opportun une plus grande collaboration des organisations sportives, des polices, des autorités judiciaires et des opérateurs de jeux d’argent, au niveau de l’UE, coordonnée par la Commission qui devrait créer une plate-forme pour l’échange d’informations, de meilleures pratiques. Il suggère aussi l’interdiction de certains paris plus susceptibles de trucage, ce que conteste l’Association européenne pour le sport et la sécurité, qui estime que c’est davantage sur les marchés de sites illégaux que les trucages s’opèrent et qu’une telle interdiction ne se justifie en rien sur ceux qui sont licites.