Après les Luxembourgeois, aux touristes, depuis de longues années maintenant, de découvrir maints paysages de la vieille ville ou des faubourgs à travers des cadres faits de rayures et évidés en leur centre. Les amateurs d’art savent, Daniel Buren est passé par là, par exemple rue du Fort Olisy, en-dessous du Bock, et l’on a pu constater avec satisfaction que les bandes avaient été repeintes, toutefois, rien qui indique le nom de l’artiste et les circonstances de l’œuvre. Et les passants, bien sûr, ces jours-ci ne se doutent pas que de toutes nouvelles œuvres de l’artiste français, non pas in situ, mais situées, comme il dit, se trouvent pour quelques semaines dans une galerie nomade à Clausen, non loin de là donc, pour une première présence luxembourgeoise de la galerie parisienne Faure Beaulieu, au Malt-Innovative Factory.
Daniel Buren appelle travail situé la catégorie d’œuvres, faites certes suivant des règles définies, mais susceptibles de circuler, d’être exposées dans différentes combinaisons. En l’occurrence, pour Ah ! les belles Italiennes, il s’agit de tubes en acier assemblés et accrochés au mur, faisant tableau ou un peu sculpture, bas-relief si l’on veut. Ces tubes, respectant la largeur des bandes Buren, de 8,7 centimètres, varient en nombre, donc en largeur, allant de trois à quinze, et en hauteur, la couleur et le blanc alternant. Ainsi, une dizaine se répartissent dans le bel et ample espace de la galerie, anciennement pris dans la production, le nom le suggère, d’un quartier entre les mains des brasseurs de bière.
Des règles, d’où un art fait de rigueur, et de la liberté, d’où l’enchantement de nos yeux. La seconde ne vient pas seulement de la taille différente des œuvres, quant à notre ravissement, essentiellement, il est dû à l’éclat des couleurs. Et là encore, paradoxalement, Daniel Buren s’est imposé des règles (qui alors, toujours à l’intérieur d’un système, les font en quelque sorte s’ouvrir, s’épanouir, à la manière des fleurs). On a déjà répondu, plus haut, à la question sur la provenance du titre de l’exposition : Ah ! les belles Italiennes. C’est que les couleurs ont leur origine dans les nuanciers des fabricants de voitures italiens, des Ferrari-Maserati, Lamborghini et autres Fiat… (d’autres expositions, facile de les imaginer avec de belles Allemandes ou Françaises, pas sûr qu’elles soient aussi rutilantes). Tout simplement donc, de la peinture de carrosserie appliquée sur les tubes carrés en acier.
Les règles, toujours, ou le système, même si le visiteur ne s’en rend pas compte. Les œuvres sont classées par ordre alphabétique de leur titre, qui n’est autre que le nom de la couleur de la peinture utilisée. Et cela commence dans notre cas par Blu California, 266.901, Ferrari-Maserati pour finir par Viola Nebula, 0275, Lamborghini, Buren ayant pour l’accrochage déterminé un mur numéro un où il place la première œuvre, les autres étant accrochées de gauche à droite à la suite.
Cela ramène à l’espace de la galerie, l’étendue du lieu rythmée par des piliers. Espace difficile pour une exposition de peintures, avec des murs toujours interrompus par des portes, des fenêtres, d’autres ouvertures, les unes en noir, les autres inondées de lumière. Daniel Buren a réussi l’aménagement, au point qu’on dirait un travail in situ, alors qu’il n’avait pas vu l’endroit, ayant eu à sa disposition seulement des plans, des films, des photos. Des accents, forts, des repères, ont été de la sorte fixés aux murs, et l’astuce est dans la hauteur des œuvres, dont pour toutes la partie haute est à exactement deux mètres du sol, c’est-à-dire au milieu du mur. Quelle que soit la hauteur de l’œuvre même, il y en a, deux exactement, qui ont l’ait de toucher le sol, avec un bel effet de légèreté quand même dû à leur verticalité. Et pour le reste, pour l’œil se promenant au long, il existe comme une ligne d’horizon.
Le galeriste Arnaud Faure Beaulieu fait à Luxembourg avec Buren son premier pas hors de France. La durée de l’exposition au Malt s’avère très courte, et réduite en plus dans son horaire. L’expérience sera-t-elle renouvelée, voire poursuivie, de cette nouvelle manière de galerie nomade ? Ce serait souhaitable, d’une façon ou d’une autre, ce serait dommage que l’art (et quelles possibilités pour la sculpture, pour l’installation) en soit privé.