Panique au village

De briques et de broc

d'Lëtzebuerger Land vom 15.10.2009

Retenus aux champs ? Cowboy, Indien et Cheval n’ont pas honoré de leur présence l’avant-première de leur film d’aventures rocambolesques, Panique au village. Leurs déambulations cannoises, en mai dernier, les auraient fatigués ? Il faut dire qu’ils n’étaient pas peu fiers de leur sélection officielle au festival, quand bien même dans la très neutre catégorie « hors-compétition ». Se sont donc dépêtrés du tapis rouge les deux réalisateurs belges Stéphane Aubier et Vincent Patar, qui rencontraient le public luxembourgeois lundi dernier. Ils étaient accompagnés du non moins belge Stephan Roelants, de la société coproductrice grand-ducale Mélusine, qui ne cachait pas son enthousiasme de voir enfin le film sur les écrans du pays (il sortira le 30 octobre).  

Car même si l’univers du Village existe depuis déjà quelques années (une série du même nom fut créée en 2002 pour Canal +), l’écriture de la version long-métrage a été laborieuse. Pas moins de trois années de travail furent en effet nécessaires à Patar et Aubier, aidés par leur producteur de La Parti, Vincent Tavier et du réalisateur Guillaume Malandrin, pour la version définitive. Une écriture à quatre mains qui fait la part belle aux personnages. 

Comment ne pas s’attacher à ces figurines, « le genre qu’on trouve sur des brocantes » selon les réalisateurs, toujours pleines de vitalité et hissant le bon mot en valeur suprême ? Car autour du placide Cheval (voix de Vincent Patar) s’agitent les excités Cowboy (Stéphane Aubier) et Indien (Bruce Ellison), mais aussi le très nerveux fermier Steven (Benoît Poel­voorde), sa femme Janine (Véronique Dumont) ou encore la belle jument Madame Longrée (Jeanne Balibar), objet d’affection de Cheval. À l’écran, toute cette ménagerie discute à bâtons rompus et emploie un vocabulaire fleuri. Avec de tels caractères, ça part évidemment dans tous les sens, c’est hystérique et même un peu foutraque. Et surtout, l’accent belge y est à couper au couteau. Une immersion au Village, c’est un peu comme visiter de la famille éloignée : on en revient fatigué, mais on s’est bien amusé. 

Cependant, passer du court au long est toujours un exercice difficile et, malgré de très bons moments (on aura vu notamment Steven sortir ivre mort de la soirée d’anniversaire de Cheval ou encore un lancer de vaches organisé à titre défensif), le scénario part régulièrement en roue libre. Basées sur un épisode de la série où les personnages partaient à la découverte de l’Atlantide, ces 75 minutes entraînent les personnages à la recherche d’étranges voleurs. En effet, la maison de Cheval ayant été détruite par le tas de briques accidentellement commandées par Cowboy et Indien, la reconstruction s’organise, mais devient vite compromise par ces habitants sous-marins bien décidés à s’approprier les murs. S’ensuivent alors une chasse menant le trio du centre de la Terre à la ville engloutie, en passant par une drôle de boule de neige. Le voyage s’effectue sans nulle autre logique que ce mince fil directeur, ce qui, finalement, donne l’impression de passer d’un sketch à l’autre par des transitions peu exaltantes. 

Mais l’équipe de Stéphane Aubier et Vincent Patar a le mérite de proposer une alternative, du rêve accessible où la stop-motion se substitue à la 3D et où les fées ne sont que d’honnêtes fermières. Et les figurines de brocante, taillées dans le plastique belge, sont d’ailleurs en train de promener leur tracteur à travers le monde : le Village s’étend désormais de Séoul à San Francisco, en passant par Toronto.

Marylène Andrin
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