Si de nombreux jeunes artistes natifs de Luxembourg préfèrent vivre à long terme l’appel de l’ailleurs, certaines et certains n’hésitent pas à revenir au Grand-Duché après des études artistiques souvent effectuées à l’étranger pour profiter de différentes synergies et des nouvelles initiatives de mise en valeur de la création luxembourgeoise. Lucie Majerus est l’une d’entre elles. Elle présentera son univers et ses créations lors de deux événements dédiés de cette fin d’année, à savoir De Mains de Maîtres du 1er au 5 décembre à l’ancien siège Arcelor devenu BCEE et au Pop Up Wintergarden du Casino d’Art Contemporain, à partir du 1er décembre également.
Car en effet, il n’a pas fallu longtemps à la jeune artiste polyvalente, tout juste diplômée de la Design Academy d’Eindhoven, pour se décider à poser ses valises – pour un temps au moins – dans son pays natal. Aux Pays-Bas, elle a appris à exprimer sa créativité de manière libre tout en se formant à un savoir-faire artisanal pluridisciplinaire, au sein d’une formation « Man and Leisure » novatrice et collaborative. Alors que le choix d’un domaine de création spécifique y est encouragé mais pas du tout obligatoire, Lucie Majerus s’épanouit dans la diversité : « Je n’ai jamais réussi à choisir un domaine unique, j’adorais toucher à tout ». Puis c’est lors d’un stage auprès de l’artiste Claudy Jongstra qu’elle polit son approche conceptuelle et goûte à la satisfaction de travailler avec et pour quelqu’un.
S’il est deux choses que la jeune créatrice a ramené avec elle de son expérience hollandaise, ce sont bien cette approche multiple et cette attention toute particulière portée au facteur humain. Ce dernier se retrouve en effet au centre de ses dernières réalisations... Tout d’abord dans son projet subversif de bijoux Humanivory, par lequel elle entend transformer la perte de dents chez l’Homme en opportunité positive : « Nous considérons toujours une dent qui tombe comme une perte, je la vois plus comme un accès à une richesse propre qui me permet de nous réapproprier notre beauté sans devoir aller chercher plus loin que ce que notre propre corps sait produire ». La dimension humaine se retrouve – de manière plus connectée cette fois – dans The Neverending Pattern, un jeu de dessin dont la problématique initiale est d’interpréter « la paix entre les Hommes » et dont le participant, à qui est remis un carrelage blanc, ne fait face qu’à une règle : commencer là où un(e) autre a terminé et continuer ainsi la somme potentiellement infinie de ce motif à la fois unique et pluriel.
Dans son dernier projet en date et toujours en cours de réalisation, on retrouve clairement ces notions de collaboration et de réutilisation. Ainsi, en partenariat avec l’atelier protégé Art Coopérations de Wiltz, Lucie finalise en ce moment même une série de coussins réalisés à partir de vieux textiles et d’anciennes broderies. Main dans la main avec les participants de l’atelier, elle recycle, ou plutôt elle « upcycle » un matériau pré-existant tout en transmettant des techniques de broderie et de dessin de pois ; un projet qui lui tient tout particulièrement à cœur mais que la distance rendait difficile à aborder sereinement et qu’elle a pu enfin réaliser une fois revenue au Luxembourg. Les coussins seront en l’occurence présents sur les deux événements sus-cités...
Si elle a été ravie de voir croitre et perdurer des initiatives locales de promotion de la créativité comme Designfriends, Design City ou encore la plateforme Hariko – où elle occupe un atelier depuis deux semaines – la jeune femme redoute cependant qu’il manque encore un certain volume d’intérêt général à la population luxembourgeoise pour cette nouveauté... Mais loin d’être défaitiste, elle compte bien agir et contribuer : « C’est un véritable défi pour les designers que de faire bouger ces limites, mais c’est aussi challenging et excitant. C’est un peu notre rôle, on ne peut pas attendre que les choses se fassent par elles-mêmes ». Du haut de ses 24 ans et en attendant des plans plus concrets pour son avenir, Lucie Majerus prend donc le taureau par les cornes et se dévoile sans fausse pudeur, en vraie créatrice luxembourgeoise.