Le questionnaire de Proust est un test de personnalité rendu célèbre par les réponses que Marcel Proust y a apportées adolescent. Ce jeu anglais datant des années 1860 était nommé Confessions. Les 33 confessions d’artiste sont un jeu, relativement sérieux, qui s’en inspire

33 confessions d’artiste : Su-Mei Tse

d'Lëtzebuerger Land du 18.12.2020

Ce que je prends au petit-déjeuner

Thé au gingembre, curcuma au poivre noir et miel pour commencer.

Cappuccino.

Porridge, fruits, croissant beurre ou scone.

Les jours salés : miso, riz et algues.

Ma première œuvre d’art

Jimi, crée lors de mon premier cours de montage vidéo en 1998 à l’École des Beaux-Arts de Paris. J’avais détourné un exercice (ennuyeux), pour en faire un clip vidéo, accompagné d’un titre du musicien Jimi Tenor, ce qui est devenu une pièce, ma première.

La raison pour laquelle je fais de l’art

Il s’agit d’une pratique, comme celle du langage. Nécessaire pour s’exprimer. D’un besoin. Puis d’un désir, mon désir de partager mes émotions, mes pensées, mes idées, mes questions, mes images, mes doutes…

Ce que je fais mis à part de l’art

Vivre et apprendre avec ma fille (bonheur !).

La pratique de la méditation et du yoga. Celle du violoncelle.

Danser, voyager, passer du temps avec mes amis. Cuisiner, manger.

(Cela sonne comme ce que l’on écrivait dans les « cahiers d’amitié », à l’époque).

Les rapports entre mon art et ma vie

Directs.

Ce que j’aime le plus dans le processus créatif

Le tout début, le premier crépitement…

Ce que j’aime le moins dans le monde de l’art

J’aime le (mot) monde, j’aime le (mot) art. Ce qui est triste, c’est que la notion « monde de l’art » (surtout en français, il me semble) prend une connotation négative et ceci au sein même du monde de l’art, dans les esprits de ses propres acteurs.

N’est-ce pas un privilège de s’y trouver, d’y rêver, d’y agir, d’en vivre ? N’en faisons pas une bulle séparée du monde. Pratiquons la poésie !

Est-ce que l’art a des limites ?

Si l’on ne dépasse pas les limites légales ou éthiques, il n’y a pas de limites.

Sauf sous régime dictatorial, malheureusement.

Mon occupation préférée

M’asseoir au soleil et sentir la chaleur sur mon visage.

Mon drink préféré

Drink contient alcool, right ?

Alors un bon verre de vin.

Ce que je fais quand je ne suis pas inspiré (e)

J’en profite pour sortir (de ma bulle) et voir le travail des « collègues » (expositions, concerts, théâtres, dj live set), mais c’est surtout la danse contemporaine qui m’inspire. Les corps en mouvement, les moments de silence, de souffle ou même d’ennui – la durée –, déclenchent une émotion, une pensée.

Ma drogue préférée Mon faible

La musique, une caresse.

Mon mot préféré

En ce moment : beyond

Ma langue préférée

L’italien !

Mon rapport au temps

Ouh, c’est une longue histoire.

Le temps me fascine depuis mon enfance. Il m’a également fait ruminer sur son « corps », son caractère intangible. Je me demandais si son déroulement existait vraiment.

Un jour, enfant, je dis à ma sœur : « Jetzt ist Jetzt » (maintenant c’est maintenant).

Elle me regarda sans rien dire.

Le temps passait.

Un an après (un peu amusée) : « Tu vois, Jetzt ist Jetzt ».

Elle me regarda encore, un peu surprise, toujours sans rien dire.

Plusieurs années après : « Tu vois », avec une voix plus insistante : « Jetzt ist Jetzt ».

« Arrête ! C’est un peu flippant ».

À l’époque, avec cette compréhension – de « ne vivre qu’une fois » – je vivais et travaillais dans l’urgence. Être efficace et productive « dans ce laps de temps ».

Grâce à l’approche zen, ce « maintenant », au contraire, m’a donné le rapport juste au temps, à son caractère illusoire, pour à chaque fois reprendre (consciemment) position dans l’Ici et Maintenant, m’ancrer.

« En ce temps, dans ce maintenant [et seulement dans le maintenant], nous pouvons ressentir l’essence de la vie. Dans cet état, l’esprit est parfaitement clair, lumineux et radieux.

Le temps n’est pas précieux du tout, parce que c’est une illusion. Ce que vous percevez comme précieux n’est pas le temps, mais le seul point qui est hors du temps : le moment présent. Effectivement il est très précieux. Plus vous êtes concentré sur le temps, passé et futur, plus vous manquez le moment présent, la chose la plus précieuse qui soit ».1

« Chaque instant est l’éternité et l’éternité est maintenant ».2

Le rôle du corps dans mon travail

Malgré peu de présence corporelle (directe), il est très important. J’utilise souvent la notion d’absence pour me référer au corps et m’adresser ainsi au « lecteur ». (M’) orienter vers un questionnement autour du fait d’être au monde. Le corps, le souffle.

Le rôle de la politique dans mon travail

La politique d’aujourd’hui m’inspire peu, mais dans l’idée de changement vers un monde meilleur : absolument. Pour changer il faut commencer par soi, c’est-à-dire être moins dans l’action, vivre consciemment. Être flexible pour changer de perspective et déconstruire les idées figées. Agir avec autoréflexion. J’aime travailler dans cette visée, ouvrir des parenthèses, des moments de légers décalages. Proposer un autre regard.

Le mot que je déteste

Oppression

Le rôle de la couleur dans mon travail

Il m’arrive d’avoir recours au rouge. Le rouge comme touche ou fil conducteur qui traverse mon travail et qui se manifeste, de temps en temps, à la surface du visible.

Le rôle de la nature dans mon travail

J’aime l’idée de la source, l’idée de revenir vers le tout début.

L’essence. L’origine de tout. Revenir vers soi, vers le silence et la vulnérabilité en nous. Renouer ainsi avec la nature.

Le rôle du monde des idées dans mon travail

Cela commence par une image, une idée

à développer…

Le rôle des modes du monde de l’art dans mon travail

Aucun.

La matière avec laquelle je n’ai jamais osé faire d’œuvre

Mon corps sous forme de performance.

Mes artistes favoris

Agnes Martin, Isamu Nogushi, Hans Josephson, Donald Judd, Louise Bourgeois, Gabriel Orozco, Alberto Giacometti, Pierre Huyghe, Francis Alÿs, Haris Epaminonda, Ayumi Paul, Lee Mingwei, Camille Henrot, Jérôme Bel, Meg Stuart, Stromae, Rainer Maria Rilke, Jacqueline du Pré, Michelangelo Antonioni.

Mon son préféré

Le vent dans les feuilles d’un arbre interrompu par des moments de silence.

Le son que je déteste

Le bruit que fait mon réfrigérateur.

Ma proposition artistique dans la perspective de l’histoire de l’art

Tout en ayant un lien très fort à certaines références que j’intègre également dans mon travail, je me concentre sur mon propos pour me libérer du poids de l’histoire et pouvoir jouer avec.

En considérant le terme « perspective » tourné vers l’avenir, j’essaie (tout simplement) d’exprimer ce qui donne sens, à mon sens, qui peut avoir un certain impact, et qui vient du cœur.

Les fautes qui m’inspirent le plus d’indulgence

L’ignorance (durant notre processus de « grandir »).

La manière de faire ou la chose faite ?

« Tout poème naît d’un germe, d’abord obscur, qu’il faut rendre lumineux pour qu’il produise des fruits de lumière »3

Ce qui pour moi est inacceptable

La violence et les abus contre les enfants !

L’animal ou la plante dans lequel je voudrais être réincarné(e)

La Lune (je peux ?).

Le lieu où je ferais une œuvre si j’avais une baguette magique

Le Mont Analogue. Une performance ;)

Mon état d’esprit actuel

Décontractée et gaie.

1 Eckhart Tolle, Le Pouvoir du moment présent. Guide d’éveil spirituel, Gallimard, 2010.

2 Hinnerk Polenski, maître zen, « Jetzt oder nie! », in Die Zeit (online), 27.12.2012

3 René Daumal, Le Mont Analogue, Gallimard, 1981. C’est un roman inachevé rédigé entre 1939 et sa mort en 1944. Il s’agit d’un lieu imaginaire entre ciel et terre, entre l’éternité et le monde des mortels. « […] Daumal définissait l’alpinisme comme ‘l’art de parcourir les montagnes en affrontant les plus grands dangers avec la plus grande prudence’ ». France Culture, L’alpinisme entre sport, art et culture, 01.02.2020.

Sofia Eliza Bouratsis
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