Celui qui flâne en centre ville cherchant à satisfaire son envie de distraction culturelle et artistique sera quelque peu déçu en s’approchant du Kiosk, situé Place de Bruxelles. Cette déception n’est cependant point liée à la qualité de l’œuvre, mais uniquement aux circonstances du lieu de l’exposition. Un chantier barre en effet l’accès à la nouvelle installation de Pascal Piron. Heureusement, la vue n’en est pas entièrement affectée et on arrive à percevoir l’œuvre de Piron à travers les barreaux de la grille entourant le chantier. Même de loin, l’œuvre conçue spécialement pour le Kiosk fonctionne parfaitement et lance un appel de mise en garde au spectateur : « Everybody should have the right to die in an expensive car ».
Désigné par Karolina Markiewicz pour occuper le Kiosk dans le cadre des expositions actuellement organisées par l’AICA Luxembourg, Pascal Piron choisit un thème qui s’inscrit habilement dans l’entourage du petit pavillon situé au croisement des boulevards Royal et Roosevelt : le trafic routier. Ainsi, l’artiste a peint une voiture de sport accidentée sur un système de plaques en plexiglas. En y prêtant plus d’attention, on reconnaît qu’il s’agit plus précisément d’une Ferrari rouge, symbole par excellence des voitures de sport.
Ce qui de face a l’air d’une surface simple s’avère être un système complexe et calculé. Quatre panneaux aux couleurs jaune, magenta, bleu et noir ainsi qu’un caisson lumineux sont superposés. L’aspect de l’œuvre change en fonction de l’emplacement du spectateur, laissant transparaître successivement les trois couleurs primaires et le noir pour souligner l’idée de mouvement et de vitesse. L’oscillation entre construction et déconstruction de l’image qui se réalise en mouvant devant l’ancien kiosque renforce la représentation d’un accident. S’il faut mourir dans un accident de voiture, il faudra le faire dans une voiture de sport, inabordable pour la majorité des citoyens – ironie du sort. L’œuvre se lit aussi comme une mise en garde contre les actes des autres, qui interviennent dans notre quotidien et dont dépend parfois la propre vie.
Contrairement à ce que l’on pourrait supposer de prime abord, on est en face d’une peinture et non pas d’une photographie. Pascal Piron fait en effet partie des jeunes peintres figuratifs qui s’intéressent de près à l’évolution de la peinture et à l’influence d’Internet et des technologies digitales sur l’art et la société. Ses tableaux, peints de façon photographique, sont souvent à comprendre comme une interprétation d’images trouvées sur le web, la visibilité de pixels et de trames dans les motifs renvoyant toujours à cette source. La voiture de sport elle aussi est peinte en détail et avec beaucoup de finesse afin de former un trompe-l’œil, tout comme les voitures de prestige le font dans la vie réelle.
Le chantier visant à restaurer le Pont Adolphe et à réagencer les places de Bruxelles et de Metz entrave une perception agréable de l’œuvre à la hauteur de l’artiste. Dans un futur proche, les travaux de réaménagement mèneront à un déplacement temporaire du Kiosk qui laissera désormais sa place au dépôt des machines et du matériau de construction, un fait regrettable vues les installations ingénieuses des jeunes artistes luxembourgeois face à ce lieu et cet emplacement précis.