Waterbiking

Cabine privée

d'Lëtzebuerger Land du 22.08.2014

À force d’étudier l’enseigne dans l’attente que le feu de la place de l’Étoile passe au vert, et d’imaginer à quoi le waterbike ressemble au juste, on finit par vouloir percer le mystère. Surtout que d’après le site web, l’activité associe une panoplie de bienfaits : lutte contre la cellulite, amélioration de la circulation veino-lymphatique, amincissement, bien-être et fesses de rêve. Tout cela moyennant des séances de 30 ou 45 minutes aux résultats presque garantis : jusqu’à 2,5 centimètres de réduction du tour de cuisse, jusqu’à 2,9 kilos perdus et jusqu’à trois centimètres de réduction du tour de hanche.

Pour obtenir un rendez-vous d’essai pendant l’heure de midi, l’attente est de deux semaines. Effet feu rouge ou véritable ruée vers un remède miracle contre la détestable peau d’orange ? Comme promis sur le site, l’accueil est chaleureux, les collaboratrices « animées par une culture poussée du service ». Selon l’une d’elles, le waterbike au Luxembourg est une première en Europe, une nouveauté. D’où vient donc cette merveille qui associe sport, massage et zénitude ? « Le concept a été développé en Italie », dit-elle. Quand on sait que l’Afrique commence en-dessous de Naples, on comprend que le waterbike est peut-être africain.

La charmante dame vous amène sans tarder dans une des cabines individuelles à coloris différents, à choisir selon l’humeur. On peut y enfiler son maillot et appeler l’hôtesse à l’aide d’une sonnette électrique quand on a fini. Ce qui laisse le temps pour une première inspection. Le meuble central est une coquille blanche à porte, avec à l’intérieur une sorte de baignoire verticale munie de pédales. Au-dessus, une grande télé. Un miroir, un fauteuil, un en-cas de cracottes pour celles qui auraient omis de déjeuner. Différents sons flottent dans l’enceinte, certains identifiables, comme l’écoulement de l’eau, d’autres non, tel ce bruit d’aspirateur, ou de sèche-cheveux ?

L’hôtesse arrive avec des verres à la main : une boisson détox couleur jus de pomme et une essence à mettre dans l’eau, au choix : relaxante, amincissante, ou stimulante. On choisit la deuxième, bleue. Avant de passer aux choses sérieuses, une introduction est de mise. La température de l’eau est adaptable, apprend-on ; plus elle est froide, mieux c’est pour la circulation et contre la cellulite. Un système de jets dont l’intensité est réglable rajoute à l’effet de massage de l’eau, si on le souhaite, et le degré de difficulté des pédales est ajustable, mais cela n’a pas d’influence car on n’est pas ici pour se faire du muscle mais pour se faire masser les cuisses capitonnées.

Enfin, on a le droit de monter dans la cabine, mais doucement. La bonne technique veut qu’on se mette debout sur le acqua home trainer avant de descendre dans les pédales. Puis l’eau coule, et la fraîcheur monte peu à peu le long des jambes ; la température efficace est quand même froide : 22 degrés. On pense à amener son K-way la prochaine fois.

Selon un certain Dr. Hosana de la faculté de médecine de Paris, « l’association du vélo, de l’hydromassage, de l’ozone présent dans l’eau et de la chromothérapie permet des résultats démontrés en matière d’amincissement, d’amélioration de la circulation veineuse et de bien-être », lit-on dans la brochure. En avant. L’animatrice sort et on se concentre. On pédale, ça gicle de partout (pas grave) et on comprend d’où venait le son bizarre. C’est le bruit des pédales dans l’eau et il entraîne une sorte de transe paresseuse. Le mouvement n’est pas difficile et répétitif. Les murs sont blancs et au bout de trois minutes, on essaie si la télécommande marche. Regarder la télé semble plus sûr que de sortir le portable, car si la brochure vante l’« autonomie maximale » du waterbike qui permet de lire ou téléphoner en pédalant, le compte a été fait sans le risque de voir son accessoire le plus indispensable englouti dans les vagues bleues de l’essence amaigrissante. Un des risques du luxe.

La télé s’allume sur des images de l’enterrement du jeune Palestinien enlevé. Une foule endeuillée en colère, dans une contrée asséchée, illumine l’écran géant. On zappe. Sud-Soudan. Un groupe de réfugiés s’amasse sous un manguier, des enfants sont assis dans la boue sans eau potable. La pensée vous effleure que les litres d’eau de la cabine sont intégralement changés après chaque passage de cliente celluliteuse. On éteint. « N’ayant été immergée que jusqu’à la taille, vous apprécierez de ne pas avoir à vous recoiffer et à vous remaquiller », dit la brochure. C’est vrai. On décide toutefois de raccourcir la séance à 30 minutes au lieu de 45 et de ne payer ainsi que 35 euros. Avec le solde, on pourrait faire un don à la Croix Rouge ; dommage d’ailleurs que ce ne soit pas possible directement depuis la cabine. En sortant, on se sent physiquement légère, mais un peu seule. Dans les jambes, une sensation de fraîcheur qui durera le temps d’un après-midi sur terre.

Béatrice Dissi
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