Cet été, encore plus qu’avant, l’augmentation des températures est proportionnelle à un rétrécissement des tenues vestimentaires. Il ne semble pas qu’il faille chercher des causes liées au réchauffement climatique, rien non plus d’induit par la récession économique. L’impression générale est plutôt que les gens montrent leur peau pour exposer leurs nouveaux tatouages, et ceci sans attendre la Schueberfouer pourtant habituellement réservée à ce genre de concours. On s’en doutait avec la dernière coupe du monde de football, même si ce n’est pas l’équipe la plus tatouée qui a gagné, la mode du tatouage continue à gagner du terrain. Les motifs tribaux, les idéogrammes chinois, les dragons, les cœurs transpercés de flèches, les têtes de mort souriantes, les croix gothiques, les lettres bouclées façon spaghettis trop cuits, et les classiques motifs issus des bestiaires animaliers à base de chats, de dauphins, d’aigles ou de loups sont de plus en populaires auprès de toutes les franges de la population, jusqu’aux institutrices maternelles et aux employés de banque. Pour une fois, par définition, on aura une mode de l’été qui est destinée à durer ! Pas comme la French Manucure avec des paillettes, ou les T-shirts avec Kate Moss derrière un doigt moustachu, dont l’espérance de vie est estimée à 2015, tout au plus, avant de ressortir dans une quinzaine d’années dans les émissions rétrospectives sur le pire des années 2010.
On peut sans aucun doute classer dans la même catégorie les bracelets Looms, fabriqués par les enfants du monde entier avec des élastiques dentaires colorés. Car c’est sans doute ça le vrai phénomène de l’été 2014 : d’habitude, vos enfants ne vous offraient des bracelets et des colliers avec des perles en pâte à sel colorées ou en macaronis crus qu’une seule fois par an, pour la fête des mères. Là, c’est tous les jours un nouveau bijou en caoutchouc. D’ailleurs, le pape François et la reine Mathilde de Belgique ne sont pas tatoués (enfin, pas à notre connaissance), mais on a pu les voir porter de tels bracelets sur de récentes photographies. Vu le nombre d’enfants de la souveraine belge, on imagine qu’elle doit avoir une belle collection. Pour le pape, la provenance semble moins évidente mais si tous les enfants de chœur s’y mettent, il pourra sans doute re-décorer la chapelle Sixtine.
La déception, cette année, sera surtout l’absence de tube de l’été officiel, malgré la conjoncture favorable Shakira + Coupe du monde + Brésil. On sent une légère insistance radiophonique pour imposer un certain Calvin Harris avec son pourtant bien nommé titre Summer, mais la mayonnaise ne semble pas prendre aussi bien qu’avec, paradoxe, ce qui restera comme le tube de l’hiver. Vous pouvez donc continuer à fredonner Happy pendant encore quelques mois.
Reste la question de l’apparence vestimentaire. Est-il raisonnable, même sans tatouage, de porter un pantalon trop court, voire un short trop court (si, ça existe) ? Faut-il remplacer vos lunettes de soleil XXX-L qui cachaient les trois quarts de votre visage par les mêmes, mais avec des verres à effet miroir cuivré, qui permettront à vos interlocuteurs de se regarder quand ils vous parlent, à défaut de vous voir ? Quel maillot de bain emporter dans ses valises, sachant que toute vulgarité est recommandée, mais que tout téton est proscrit, puisque Facebook et Instagram banniront tout ce qui peut y ressembler de près ou de loin sur vos photos de vacances ?
Cette année, justement, à en croire les Américains, le top du style, c’est le normcore. Autrement dit, être le plus normal possible. Pour traduire cela dans un langage accessible à ceux pour qui l’expression « normal à outrance » ne veut rien dire, on pourrait rapprocher cela de l’apparence d’un touriste de plus de cinquante ans, avec chaussettes blanches dans les sandales, chemisette et gilet polaire. Vivement 2025, qu’on puisse admirer tout cela avec du recul.