C’était couru d’avance, les ministres réunis en Conseil compétitivité, le 30 mai dernier, ont une fois de plus fait état de l’échec des négociations sur le dossier du brevet unitaire européen. La question de la localisation du siège de la division centrale du système juridictionnel européen des brevets fige les négociations depuis près de six mois. Elle sera désormais réglée par les chefs d’État et de gouvernement lors du sommet des 28 et 29 juin prochains. En vue de débloquer, la situation d’autres candidatures émergent.
Objet d’une coopération renforcée à vingt cinq États membres (l’Italie et l’Espagne étant opposées au projet), le paquet législatif sur le brevet unitaire européen comporte trois volets : une proposition de règlement mettant en place le brevet unitaire, qui doit être adoptée en codécision (par le Conseil et le Parlement), une autre établissant ses modalités de traduction et un projet d’accord inter-gouvernemental instituant le système juridictionnel. C’est sur ce dernier volet qu’achoppent les négociations.
L’architecture à mettre en place pour trancher les litiges en matière de brevet vise à pallier les inconvénients du système actuel relevant des tribunaux nationaux, qui génère une insécurité juridique du fait de traitements différents et coûteux. La proposition en discussion instaure une juridiction unique en vue d’une jurisprudence harmonisée entre ce régime et celui à venir sur le brevet de l’UE. Cette juridiction aura une compétence exclusive pour trancher les affaires de contrefaçon et de validité afférentes aux brevets européens actuels et unitaires futurs. Elle sera aussi compétente pour les recours formés contre des décisions prises par l’Office européen des brevets (OEB) dans l’exercice de ses tâches supplémentaires liées au futur brevet unitaire.
Le futur système juridictionnel se composera d’un tribunal de première instance organisé en une division centrale et en divisions locales (nationales) et régionales (regroupant plusieurs divisions locales), ainsi que d’une Cour d’appel et d’un centre de médiation et d’arbitrage.
Le 5 décembre dernier, les ministres européens ont scindé en deux les prérogatives de ce centre de médiation et d’arbitrage pour satisfaire la double candidature de Lisbonne (Portugal) et Ljubljana (Slovénie), et ont avalisé la localisation de la Cour d’appel à Luxembourg.
La question de la Cour centrale qui coiffera le système est plus sensible, car elle devra répondre à des exigences en termes d’infrastructures fonctionnelles, mais aussi être le reflet d’une conception équilibrée de l’application du droit de propriété intellectuelle. Londres, Munich et Paris étaient candidates. La dernière a été proposée par la présidence polonaise, ce qui a braqué les « perdantes ». Et malgré les appels du commissaire en charge du marché intérieur, Michel Barnier, du président de la Commission, José Manuel Barroso, les efforts des présidences de l’UE polonaise puis danoise et les réunions du Conseil européen du 30 janvier, qui a fixé aux capitales la fin juin comme date butoir pour parvenir à un accord, le dossier ne se débloque toujours pas.
Ole Sohn, ministre danois des entreprises et de la croissance, qui présidait le Conseil du 30 mai, a « déploré de ne pas avoir dégagé un accord sur ce dernier point du paquet, mais reste optimiste et s’emploiera à y parvenir sous présidence danoise. Il faut parfois laisser du temps au temps ! »
Pour Michel Barnier, « c’est un projet symbolique qu’attendent depuis 30 ans les entreprises européennes pour être à arme égale les Américains et les Chinois ». « J’espère, assure-t-il, qu’il aboutira d’ici le prochain sommet de juin ».
Ce règlement au sommet d’un différend sur un siège n’est pas sans rappeler la situation qui a présidé à la bataille pour le siège de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Parme avait finalement obtenu cette localisation au prix d’une haute lutte de l’Italie à l’issue du sommet européen du 13 décembre 2003.
Pour désamorcer ce blocage actuel, l’Italie, justement, a proposé dès février sa candidature pour ce siège. Une proposition d’abord écartée, parce qu’intervenue après la date limite pour le dépôt des candidatures, mais qui reviendrait sur la tapis. Les Pays-Bas ont fait de même plus récemment en proposant La Haye comme candidate, afin d’apaiser le débat, a confié au Land une source proche du dossier.