Ils n’ont pas les mêmes titres, pas la même expérience et travaillent dans des institutions de tailles et de structures variées. Cependant les sept musées et centres d’art que compte la capitale sont tous dotés d’un service des publics ou de la médiation. C’est déjà un signe des temps. Parce que certains musées sont regroupés (le MNHA avec le Dräi Eechelen et la Villa Vauban avec le Lêtzebuerger City Museum), ce ne sont que cinq personnes que nous avons interrogées (par écrit) sur le fonctionnement de leurs services et programmes. Quelques réponses les plus significatives.
d’Land : Quels sont les enjeux spécifiques de la médiation dans votre musée ?
Katharina Stütze (Casino Luxembourg) : Nous n’avons pas d’exposition permanente. Il faut donc réadapter l’offre de médiation à chaque exposition. Collaborations, offres et partenariats doivent être réalisés en peu de temps et il faut être flexible sur la planification des supports de médiation.
Valérie Tholl (Mudam) : Permettre une meilleure appréciation et compréhension de l’art d’aujourd’hui est notre spécificité. L’approche du service des publics reflète l’esprit d’ouverture du musée et va à l’encontre du cliché qui condamne l’art contemporain à l’élitisme. L’art contemporain est bel et bien un art pour tous, si les institutions réussissent à le rendre accessible. Nous analysons en permanence nos visiteurs et créons un programme sensible et inédit répondant à leurs besoins ou souhaits.
Quels sont les publics visés ?
K. S. : Nous essayons de mettre en place des médiations pour tous les types de public, avec une offre large (visites guidées ciblées, ateliers, conférences, animations). Si les offres pour les familles et les publics scolaires sont jusqu’à présent au centre de nos activités, nous cherchons à travailler davantage avec des structures du champ social, pour développer des relations durables et permettre un accès à la culture à ce public. La gratuité de la plupart de nos offres fait partie de notre vision de l’accès à la culture. Nous visons également l’inclusion de visiteurs aux besoins spécifiques avec par exemple des visites pour des personnes malvoyantes ou malentendantes.
Michèle Platt (MNHA, 3E) : Les différents publics s’intéressent à des thématiques et des formats différents : le public résident vient pour les expos temporaires alors que le public touristique veut plutôt découvrir la collection permanente. Visites guidées, visites débats, ateliers créatifs, conférences sont proposées. Reste qu’attirer les jeunes en dehors des programmes scolaires reste un défi.
V. T. : Les événements et activités organisées visent à refléter la diversité de la population. La devise est celle de faire un programme AVEC les publics. Ils deviennent les acteurs principaux du musée. Nous les impliquons en permanence dans la réalisation des projets pédagogiques, que ce soit pour les enfants, adultes, écoles, tous les projets d’inclusion sociaux. Ainsi, le programme Fanclub Classes est un projet unique à destination d’enfants à partir de neuf ans. Ce programme de découverte de l’art contemporain accompagne les enfants sur la durée. Un guide en Leichte Sprache sera publié autour de la collection pour lequel nous avons impliqué le collectif d’artistes Dadophonic et l’association Klaro, qui fait la relecture par des personnes en situation de handicap.
André Faber (MNHN) : La médiation dans les expositions prend en charge toutes les catégories d’âges selon une offre différenciée. Les publics plus spécifiques ont un programme d’activités dans et en dehors du musées (jeunes, after work, Frënn vum natur musée).
Kyra Thielen (Villa Vauban, LCM) : En fonction du groupe cible (enfants, jeunes, familles, personnes âgées, crèches, écoles primaires, lycées, public professionnel, personnes à des besoins spécifiques), il est important de savoir où les trouver pour les toucher directement. En principe, la communication doit être adaptée aux groupes cibles.
Qu’est-ce pour vous un bon médiateur ? Quelles qualités doit-il/elle développer ?
K . S. : Un bon médiateur doit avoir de l’empathie et mettre les gens à l’aise. Il doit être capable de vulgariser des concepts abstraits et de créer des liens entre l’art et l’expérience personnelle des visiteurs. Il ou elle cherche l’échange avec les visiteurs et valorise leur parole. Il ne cherche pas seulement à faire passer des connaissances, mais il utilise l’art comme point de départ pour des échanges entre égaux qui valorisent l’expérience de chacun. La connaissance des langues courantes du Luxembourg est importante.
M. P. : L’adaptabilité est le plus important : en fonction des expositions, des visiteurs, de leurs questions et intérêts, des langues parlées
A.F. : Les compétences essentielles sont de savoir s’exprimer en plusieurs langues, de donner des explications courtes et compréhensibles et de valoriser la médiation avec des objets spécifiques ou didactiques illustrant le discours.
K ?. T. : La médiation consiste avant tout à transmettre des connaissances, mais il arrive que certains visiteur soient très critiques à l’égard du musée ou des œuvres exposées. Dans ces moments, la tâche du médiateur consiste plus à éveiller la curiosité du visiteur et à diminuer sa méfiance à l’égard du musée qu’à lui transmettre des connaissances.
Travaillez-vous avec des médiateurs en interne ou free-lance ?
K. S. : Nous travaillons avec trois médiateurs internes et des médiateurs free-lance. Les personnes en interne mettent en place une stratégie, pour créer des relations durables avec les différentes structures relais. Les indépendants apportent un renfort ponctuel de l’équipe pour de nombreux événements.
M.P. : Nous employons des free-lances parmi un pool assez constant. Ils ont l’avantage de la flexibilité.
V.T. : Les médiateurs en interne participent activement à la conception du programme pédagogique autour des expositions. Une équipe de dix médiateurs freelances vient en renfort.
A.T. : Nous travaillons avec des agents du musée et des free-lances depuis 25 ans. Les free-lance prennent en charge les groupes notamment scolaires. Les médiateurs internes se focalisent – en dehors des visites – sur l’élaboration des unités pédagogiques, des guide lines à travers une expo.
K. T. : Uniquement des free-lances
Y a-t-il une grille tarifaire ?
K.S. : Il n’existe pas de grille officielle mais nous essayons de nous accorder entre les musées.
M. P. : 40 euros par heure
A.F. : Les freelance sont payés en fonction de la durée et du lieu d’intervention, de leur formation et de leur ancienneté. En moyenne, le tarif tourne autour de 60 euros pour une visite d’une groupe de moins de deux heures.
Comment la médiation a-t-elle évolué avec le Covid ?
K. S. : Nous avons souhaité que les visiteurs fassent l’expérience de l’art contemporain en direct dans nos salles d’expositions et non pas derrière leur écran. Nous avons cependant développé l’outil Spark, qui est un complément avec des informations autour des thématiques des expositions en cours. Depuis des années, on offre aux visiteurs les vidéos de la Channel box, qui sont également visibles sur notre site internet, donc à domicile.
M. P : Nous avons développé plus d’offres digitales avec des livestream des conférences sur Facebook ou des scans 3D des expositions temporaires.
V. T. : La crise sanitaire nous a permis de réinventer nos pratiques et de proposer des alternatives à nos programmes et à nos activités. Nous remarquons que les programmes en ligne nous permettent d’atteindre un public plus large, qui va au-delà des frontières du Luxembourg. L’actualité sanitaire nous rappelle l’importance de notre mission : mettre la culture à la portée de tous.
A. F. : Le natur musée faisait partie des premiers musées qui proposaient des vidéoconférences et webinars dès le début de pandémie.
K. T. : Inutile de dire que le port du masque rend les visites guidées plus fastidieuses, pour les visiteurs, mais surtout pour le médiateur. Cependant, les médiateurs apprécient que les groupes soient limités à dix personnes. Il est plus facile d’interagir avec un groupe plus restreint et de répondre aux besoins de chaque participant. En outre, nous avons lancé une série Youtube. La médiation ne doit pas se faire uniquement dans les murs des musées.
Comment évaluez-vous l’accueil des publics et la médiation ?
K. S. : Nous n’appliquons pas d’outil d’évaluation spécifique, mais en tant que médiateurs nous cherchons toujours l’échange avec nos publics, nous observons leurs réactions et essayons d’y répondre au mieux.
V. T. : La meilleure évaluation c’est quand je vois que les gens reviennent. Il s’agit de créer une relation durable avec le visiteur pour qu’il voie qu’une place importante lui est réservée. Depuis toujours, le contact direct que nous entretenons avec lui nous incite à questionner en permanence nos pratiques, à imaginer de nouveaux projets sensibles à l’air du temps.
A. T. : Les médiateurs sont les premiers à se rendre compte si les visiteurs n’adhèrent pas et ils sont suffisamment formé pour remanier leurs interventions et la focaliser davantage sur les attentes du public. Pour les visites des groupes une évaluation est proposée aux enseignants et responsables de groupe.
K. T. : Nous évaluons sur la base des commentaires des visiteurs, des médiateurs, des curateurs et du personnel de sécurité. Nous analysons les réservations de visites guidées et d’ateliers pour savoir quelles offres suscitent le plus d’intérêt et pour voir quels jours sont les plus fréquentées, en vue d’une programmation future.