Cold Waves

Ondes libératrices

d'Lëtzebuerger Land du 11.06.2009

Munich, 1950. Via des financements de leur Central Intelligence Agency (CIA), les États-Unis mettent en place la station Radio Free Europe, dans le but de combattre le communisme par la parole. Au quotidien, des citoyens exilés des pays du bloc soviétique s’adressent dans leurs langues maternelles à leurs compatriotes. Dans son documentaire Cold Waves, le jeune réalisateur se concentre sur la branche roumaine de la radio et retrace une histoire comme seule la guerre froide a pu en produire.

En trois parties distinctes de 50 minutes chacune, Cold Waves revient sur la création et l’impact politique de cette radio de propagande implicite. La parole est d’abord et avant tout aux animateurs et aux auditeurs, entre lesquels se créa un lien dont l’intensité découlait de l’importance des propos. Très attachés à ce brin de liberté que leur offraient les émissions de Radio Free Europe, certains Roumains prenaient des risques considérables en communiquant avec la station pour lui fournir les dernières nouvelles du pays et faire passer des messages à leurs proches à l’Ouest.

Mais Alexandru Solomon ne manque pas non plus d’interroger ceux qui, à l’époque, mettaient tout en oeuvre pour faire taire Radio Free Europe. Ainsi Ilie Merce, ancien officier de la police secrète roumaine Securitate, reconverti en homme politique, raconte sans regret apparent comment il menait une unité spéciale chargé de nuire le plus possible à la station. Du jeune demandant simplement une de ses chansons préférées, à l’écrivain tentant de faire diffuser un texte critique, tous les auditeurs identifiés par la Securitate devaient s’attendre à une répression violente.

Profondément vexé par les critiques du culte qu’il avait créé autour de sa personne et inquiet pour la stabilité de son régime totalitaire, Nicolae Ceausescu ira même jusqu’à ordonner l’assassinat de certains collaborateurs de Radio Free Europe. Un commando des services secrets est envoyé à Paris pour faire taire la journaliste Monica Lovinescu, tandis que Noel Bernard et Vlad Georgescu, directeurs de la station, meurent tous les deux d’un cancer foudroyant. En 1981 une bombe explose devant les bâtiments de la radio, tuant un journaliste du département tchèque. Une trace découverte en Hongrie permet de créer un lien entre l’attentat et  le terroriste Carlos.

À ce stade, l’histoire de Radio Free Europe nous renvoit à toute l’ampleur dramatique de la guerre froide et démontre la part importante de cette radio et de ses journalistes courageux dans le conflit idéologique de son époque. Avec des images aux couleurs désaturées et des témoignages qui font froid dans le dos, Cold Waves, soutenu par le Filmfund Luxembourg et co-produit par PTDstudio, nous replonge dans ces années de méfiance et de provocation mutuelle qui ont produit les stratagèmes et actions les plus perfides. 

Si l’on peut regretter que les directives et la censure pratiquée par la CIA concernant les émissions de Radio Free Europe soient trop peu évoquées et que l’histoire du département roumain n’est pas bien placée dans le contexte des menaces et attaques subis par les départements des autres pays représentés au sein de la station, Cold Waves reste un documentaire bien recherché sur un aspect de la guerre froide, tombé dans l’oubli comme tant d’autres avec l’effondrement du mur de Berlin. 

Le DVD de Cold Waves est désormais disponible chez Paul Thiltges Distribution ; www.ptd.lu. 

Fränk Grotz
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